Anne d'Autriche
Personnages historiques

Anne d’Autriche, la Reine qui forgea le destin de Louis XIV

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Si Louis XIV est considéré par beaucoup comme le plus grand souverain que la France ait connu, son caractère, sa longévité et son intransigeance ne sont sûrement pas des qualités héritées de son père, le roi Louis XIII, mais bien de sa mère, la flamboyante Anne d’Autriche, qui incarnait à la fois la puissance politique, le courage, l’intelligence et la douceur maternelle. Anne d’Autriche est une figure fascinante qui a marqué l’histoire en tant que reine consort de France et régente du royaume pendant la minorité de son fils, Louis XIV. D’origine espagnole et membre de la Maison de Habsbourg, Anne a navigué avec habileté dans les eaux tumultueuses de la politique française, contribuant à façonner son époque. 

Ana María Mauricia de Austria devient Anne d’Autriche, reine de France

 Anne d’Autriche n’a pas toujours été française. Née dans la puissante maison des Hbsbourg, sans doute la famille la plus puissante d’Europe à l’époque, elle voit le jour le 22 septembre 1601 à Valladolid en Espagne. 

Une enfance heureuse en Espagne

Portrait de Philippe III par Pedro Antonio Vidal
Portrait de Philippe III d’Espagne par Pedro Antonio Vidal

Anne naît donc en Espagne, de l’union de Philippe III d’Espagne et de Marguerite d’Autriche, son prénom faisant référence à sa grand-mère, la reine Anne d’Autriche.  S’il est de coutume à l’époque d’être confié aux soins d’une nourrice et de précepteurs loin de ses parents, ça n’est pas le cas pour elle, qui vit élevée et entourée par ses parents (aidés par une armée de serviteurs tout de même).

Très pieux, Philippe et Marguerite donnent une éducation stricte et religieuse à leurs enfants, les forçant à visiter moultes couvents et à prier souvent. Marie-Anne et Philippe sont ses frères et sœurs préférés et elle aime jouer avec eux. La famille royale d’Espagne coule ainsi des jours heureux jusqu’à ce qu’une terrible tragédie arrive : la mère d’Anne, Marguerite, à peine âgée de 26 ans et déjà à sa huitième grossesse, meurt en couche.

C’est là que le caractère d’Anne va s’affirmer : elle reprend à sa charge l’éducation de ses frères et sœurs malgré son jeune âge (ils finissent même par l’appeler maman) et leur donne, aidée par Philippe III, l’amour et la reconnaissance dont ils ont besoin. 

Des projets de mariage qui ne doivent rien à l’amour 

Mariage de Louis XIII et Anne d'Autriche
Mariage de Louis XIII et Anne d’Autriche
©gallica-bnf

Jeune femme déjà très forte, Anne fait évidemment objet de convoitise en tant que fille de roi. Philippe III entreprend des négociations avec le Royaume de France, mais cette alliance n’est pas du goût d’Henri IV, qui préfèrerait pour son fils une fille du duc de Lorraine. Par chance pour le roi d’Espagne, lorsqu’Henri IV meurt, sa femme Marie de Médicis reprend les discussions en faveur d’une alliance franco-espagnole. Le projet est scellé : Anne épousera Louis, enfant d’Henri IV et héritier du trône de France, et sera chargé par son père d’être tout de même au service de l’Espagne, en lui rapportant tout ce qu’il se passe à la Cour de France. 

Le 18 octobre 1615, Louis XIII épouse Anne d’Autriche qui n’a que 14 ans, par procuration. Ils sont forcés par Marie de Médicis à concevoir le mariage dès leur rencontre, le 21 novembre à Bordeaux. Des rumeurs racontent que le roi, trop jeune et inexpérimenté, aurait eu du mal à tenir sa virilité, et la nuit de noce se serait ainsi mal passée. De cette nuit, Louis XIII gardera un souvenir affreux et ne touchera plus sa femme durant les quatre années suivantes. 

Anne d’Autriche, un début de règne compliqué

Marie de M et Louis XIII
La reine mère Marie de Médicis demande à son fils Louis XIII la démission de Richelieu – Maurice Leloir (1910)
©france-pittoresque

Si Anne est maintenant reine de France, sa belle-mère et son mari ne vont pas lui faciliter la tâche pour l’aider à se faire une place respectable à la Cour de France

Marie de Médicis et son fils Louis XIII, deux caractères compliqués 

Mère et fils sont assez indifférents à l’arrivée d’Anne d’Autriche en France. Marie de Médicis continue d’exercer le pouvoir et de porter le titre de reine de France, alors même que son fils et sa belle-fille sont régnants. Louis XIII, absorbé tout entier par les conflits avec sa mère et très timide, l’ignore complètement alors qu’elle est considérée comme très belle et très intelligente par la majorité de la Cour. Enfin, pour couronner le tout, esseulée, elle ne s’entoure que d’espagnols, ce qui lui empêche de parler correctement français et donc de bien se faire comprendre de la cour et de ses sujets. 

Le coup d’Etat de Louis XIII change la donne

Lorsque Concino Concini, principal conseiller de Marie de Médicis est assassiné par le baron de Vitry, le capitaine des gardes royaux et ses hommes le 24 avril 1617, Marie de Médicis voit ses soutiens et son pouvoir quasiment anéantis. Soulagé, car il va enfin pouvoir gouverner comme il l’entend, Louis XIII en profite pour renverser sa mère. Le duc de Luynes, un de ses favoris, entre également en scène pour rapprocher le roi et la reine : il fait entourer Anne d’Autriche de nobles français et chasse sa cour espagnole. Il organise des rendez-vous intimes entre le roi et sa femme, mais constatant qu’il ne se passe rien, il force le roi à coucher avec Anne. Les relations des deux époux s’améliorent ainsi petit à petit. 

Anne d’Autriche et Louis XIII, un couple décidément mal accordé

Si le roi et son épouse sont un temps très complices, cet apaisement ne dure pas et les problèmes refont surface. 

Anne et sa cruelle épreuve de la fausse couche

Alors qu’elle est enceinte, mais ne s’en est pas encore rendu compte, Anne d’Autriche joue avec ses dames d’atours et particulièrement sa favorite, Madame de Luynes, dans la galerie du Louvre, courant et virevoltant dans une ambiance tamisée. Tout d’un coup, la reine bute contre une estrade et tombe lourdement au sol. Perdant beaucoup de sang, elle est examinée par le médecin du roi qui lui déclare une fausse couche et la mort prématurée d’un embryon d’une quarantaine de jours. Cette nouvelle rend le roi fou de rage contre sa femme et particulièrement contre Madame de Luynes à qui il reproche de n’avoir pas empêché la reine de jouer.

Le roi décide d’écarter cette femme de l’entourage de la reine. Mais Madame de Luynes, veuve depuis quelque temps, se remarie avec le duc de Chevreuse, un puissant du royaume et sa position la conforte dans ses droits : elle continue de discuter avec Anne et de l’influencer de mauvaises manières l’éloignant de plus en plus de Louis XIII. 

L’affaire Buckingham, une pièce de plus dans l’engrenage

Le duc de Buckingham par Rubens
Le duc de Buckingham par Rubens

Comme je vous l’ai dit précédemment, Anne d’Autriche continue d’écouter sagement ce que lui dit son amie la duchesse de Chevreuse. Lorsque la sœur de Louis XIII, Henriette de France, est pressentie pour épouser par procuration le nouveau roi d’Angleterre Charles Iᵉʳ, c’est le duc de Buckingham, influent homme politique d’Angleterre, qui accompagne celle-ci. Lors du voyage de la princesse jusqu’à la frontière avec l’Angleterre, Anne d’Autriche, Marie de Médicis et une partie de la Cour l’accompagne pour un ultime ua revoir.

Seulement voilà : lors d’une étape à Amiens, le duc de Buckingham se permet le pire des affronts : faire la cour à la reine de France. Très assidu et aidé par la manipulatrice duchesse de Chevreuse (encore elle !), il s’arrange pour être laissé seul avec Anne. Trop entreprenant, il se permet de la toucher : elle pousse alors un cri strident entendu par le reste de la Cour, à l’écart qui accourt. 

Ce malheureux incident rend Louis XIII fou de honte et de jalousie et fait le tour de toute l’Europe : les conflits entre les époux ne sont donc pas près de s’apaiser. 

La France déclare la guerre à l’Espagne

Cela fait maintenant 16 ans que Louis XIII et Anne d’Autriche sont mariés. 16 ans et pas un héritier à l’horizon. Cette fatalité achève de semer la discorde chez les souverains de France. De plus, le frère du roi, Gaston d’Orléans et sa mère Marie de Médicis, décidément par en reste, continuent d’intriguer pour faire plier Louis XIII et l’absence d’enfant royal les sert admirablement

Pour couronner le tout, la France attaque l’Espagne en 1635, et Anne est épiée : elle entretient en effet depuis longtemps une correspondance avec son frère Philippe IV et voit ses appartements fouillés, ainsi que l’abbaye où elle se rend régulièrement sur ordre de son propre mari. Louis XIII la force à signer de sa main des aveux de culpabilité et fait exiler pour de bon la duchesse de Chevreuse

Louis Dieudonné : la rédemption d’Anne d’Autriche 

Anne d'Autriche et ses enfants
Anne d’Autriche et ses enfants
©RMN – Grand Palais-Gérard Blot

Cette mauvaise entente entre époux durera tout le long de leur mariage, jusqu’à la mort de Louis XIII. Mais deux évènements vont venir éclaircir un tableau déjà très noir. 

Anne d’Autriche, enceinte grâce à un orage ? 

Anne d'Autriche le Palais du Louvre
Le Palais du Louvre sous Louis XIII et Anne d’Autriche
©ZigZag

On raconte qu’à la fin de novembre 1637, Louis XIII chevauche avec son escorte pour rejoindre Saint-Maur mais que le groupe est surpris par un puissant orage. Se voyant dans l’impossibilité de continuer sa route, Louis XIII choisit de s’arrêter au Louvre, là où réside son épouse. C’est cette nuit-là qu’aurait été conçu Louis XIV.

Après une grossesse très surveillée (la reine a déjà fait quatre fausses couches), Louis Dieudonné voit le jour le 5 septembre 1638 dans le château de Saint-Germain en Laye. C’est un héritier : la couronne est sauvée et la reine de France soulagée. La naissance de Philippe, petit frère du futur Louis XIV, achèvera de consolider les bourbons dans leur pouvoir. 

La reine Anne devient régente de France 

Lorsque Louis XIII meurt en 1642, il a tout prévu : son épouse deviendra certes régente, mais avec un pouvoir limité, car aidée par un conseil composé de Gaston de France et de ses proches conseillers de son vivant. Mais c’était sans compter sur les intentions de sa femme, qui, libérée du joug de son mari, convoque le parlement de Paris pour casser son testament, ce qu’il accepte : Anne d’Autriche se retrouve ainsi avec les pleins pouvoirs. 

Contre toute attente, elle nomme Mazarin, un cardinal proche de Louis XIII et futur ministre de Louis XIV, comme son premier ministre et son principal conseiller. Consciente que son rôle n’est que de renforcer la France et d’assurer sa prospérité pour transmettre sereinement les rênes du royaume à son fils, âgé d’à peine 5 ans lorsqu’il sera majeur, Anne appuie toutes les décisions prises par Mazarin et lui confie même l’éducation politique et militaire de Louis XIV. Elle va tout de même œuvrer tout au long de son règne à asseoir le règne de son fils, et faire en sorte que son royal fils devienne l’un des plus grands rois : épouse de Louis XIV, éducation et même certaines décisions politiques.

Une fin de vie marquée par la Révolte 

Louis II de Bourbon-Condé
Portait de Louis II de Bourbon-Condé dit le Grand Condé

Si Anne d’Autriche peut enfin exercer d’autres fonctions que celle de ventre de la France, après une vingtaine d’années passées dans l’ombre de Louis XIII et Marie de Médicis, elle n’est pas tranquille pour autant : la révolte gronde. 

La Fronde : quand la Noblesse se soulève contre le Pouvoir Royal

En 1648, alors que Louis XIV n’a que 10 ans, le Parlement se rebelle, après différents désaccords avec le premier ministre d’Anne, le cardinal Mazarin. Dans son sillage, il rallie la Cour des aides, la Cour des Comptes et le Grand Conseil qui toutes les quatre décident d’élaborer plusieurs projets de lois visant à transformer le système fiscal et judiciaire français. Ce soulèvement populaire est soutenu par un cousin de la famille de Bourbon, le prince de Condé et d’autres nobles en 1650, qui veulent que Mazarin quitte le pouvoir. La famille royale est ballottée de ville en ville pour échapper aux frondeurs. Mais Anne ne plie pas et continue de diriger le royaume, même en exil aux quatre coins de la France. 

Cet exil dure jusqu’en 1651, date à laquelle Anne d’Autriche transmet les pleins pouvoirs à son fils aîné, alors âgé de 13 ans et continue de l’épauler pendant 10 ans. La Fronde marquera profondément Louis XIV, qui s’attachera à museler la noblesse à Versailles pour que cela ne se reproduise pas. 

Anne d’Autriche : la fin d’une grande reine 

Anne d'Autriche mort du Cardinal Mazarin
Mort du Cardinal Mazarin par Paul Delaroche
©arthive.com

En 1661, le cardinal Mazarin s’éteint. Anne d’Autriche se retire pour une paisible retraite à l’Abbaye du Val de Grâce. Atteinte d’un cancer du sein, elle meurt au début de l’année 1666. La réaction de son fils, qui veillait dans l’antichambre attenante, ne se fait pas attendre : il s’évanouit et confiera plus tard à un de ses conseillers Anne d’Autriche, plus qu’une grande reine, fut un grand roi

Ainsi, si son règne a été marqué par beaucoup de problèmes et de difficultés, la reine Anne d’Autriche a tout de même su laisser une empreinte majeure dans l’histoire de France. Femme de pouvoir à la tête d’un royaume morcelée, mère du plus grand roi de France, elle aura su garder l’affection de ses fils tout le long de son existence et même, pour reprendre l’expression affiliée à Margareth Tatcher “avoir une main de fer dans un gant de velours”. 

Sources :

-https://www.herodote.net/L_un_des_plus_grands_rois_de_France-synthese-533.php
-https://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/3121-anne-dautriche-reine-de-france-1601-1666.html
– https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/anne-dautriche-et-louis-xiv-une-reine-mere-au-service-de-son-fils-81185.php
– https://www.universalis.fr/encyclopedie/anne-d-autriche/
– https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/39674