Portrait de l'archiduchesse Sophie de Bavière (1832) Karl Joseph Stieler
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L’archiduchesse Sophie de Bavière, l’Autriche et le pouvoir d’abord

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Souvent décrite comme une femme sévère, voire tyrannique vis à vis de sa belle fille, Sissi, l’Archiduchesse Sophie de Bavière est une femme bien incomprise. Elle œuvre toute sa vie pour sa famille et la grandeur de l’Empire austro-hongrois. C’est une femme de pouvoir et d’une grande intelligence qui, dans l’ombre, règnera comme une impératrice sans en avoir jamais le titre. En s’imposant en véritable femme politique c’est elle qui réussira à maintenir les Habsbourg sur le trône impérial en plaçant son fils sur le devant de la scène. Voici l’histoire méconnue de la grande archiduchesse Sophie de Bavière. 

La Jeunesse de Sophie de Bavière 

Une enfance et une éducation bavaroise

Frédérique Sophie Dorothée Wilhelmine de Wittelsbach voit le jour le 27 janvier 1805 à Munich. Elle est princesse de Bavière de par son père Maximilien Ier Joseph de Bavière. Elle fait partie d’une fratrie importante, due aux deux mariages de son père. Sa mère, Caroline de Bade, seconde épouse du roi de Bavière, a eu à elle seule 7 enfants dont une majorité de filles. Elle prend d’ailleurs l’éducation de ces jeunes demoiselles très à cœur. Caroline de Bade les prépare avec sérieux et rigidité à une vie de future souveraine, comme elle l’a été, en plaçant le sens du devoir au centre de tout. Cette éducation que reçoit Sophie va être déterminante dans la place qu’elle prendra plus tard en Autriche. Ce que Caroline veut, c’est placer ses enfants dans les plus hautes sphères des cours d’Europe. Et elle y arrivera très bien, et mariera Elisabeth-Louise au roi de Prusse, Amélie au 4ème roi de Saxe et Marie Léopoldine au 3ème roi de Saxe. 

Mais en attendant un mariage avantageux, Sophie de Bavière vit une vie plutôt tranquille au sein de sa famille très soudée. Elle apprend le français, étant donné le lien fort qui unit la famille de Bavière à Napoléon. Mais sa condition de femme et son statut sociale font que son enfance n’est que de courte durée. Bientôt, c’est le mariage qui l’attend elle aussi

Un mariage prometteur pour Sophie de Bavière

En 1814, le destin de Sophie de Bavière est scellé par le Congrès de Vienne. Il est décidé, sans lui demander son avis bien entendu, qu’elle épousera l’archiduc François-Charles, second fils de l’empereur d’Autriche François Ier. Ils sont mariés le 4 novembre 1824, mais le couple est loin d’être heureux. Sophie est profondément déçue par son époux. Elle le trouve faible et sans charme, loin du beau prince qu’elle imaginait au départ. Elle écrit clairement à sa mère qu’elle n’est pas heureuse.

Toutefois, cette union est pour elle une opportunité. En plus de faire son entrée dans la prestigieuse maison des Habsbourg-Lorraine, Sophie se rapproche également du trône impérial. En effet, même si son mari est le deuxième fils de l’empereur, on pense qu’il sera appelé à régner. Le père se faisant vieux et le frère étant vu, soit comme un imbécile, soit comme un incapable, on pense que le second frère, François-Charles montera un jour sur le trône. Mais l’homme n’a aucun goût pour le pouvoir et la politique, et cette possibilité n’intéresse véritablement que Sophie dans le couple. 

Portrait de l'archiduchesse Sophie de Bavière (1830)Karl Joseph Kieler
Portrait de l’archiduchesse Sophie de Bavière (1830)Karl Joseph Kieler

Les enfants, bonheur et opportunité

Cependant, en attendant une opportunité politique, Sophie de Bavière se doit de faire ce pourquoi on l’a mariée, elle doit donner des héritiers. Le couple met 6 ans à avoir son premier enfant. Ces années entrecoupées de fausses couches en 1827 et en 1829 sont très dures pour Sophie. Mais en 1830 enfin, un enfant naît, et en plus c’est un garçon ! Il se prénomme François Joseph Charles, il sera Empereur d’Autriche. Puis un second fils en 1832, Ferdinand Maximilien Joseph Marie, lui, sera roi du Mexique. L’archiduchesse se concentre sur l’éducation, notamment de ses fils. Elle se doute qu’ils auront un grand avenir et elle veut faire ce qu’il faut pour faire d’eux de grands hommes.

Certaines rumeurs avancent que ces deux fils ne seraient pas les enfants de François-Charles. En effet, il se murmure que François-Joseph, “Franz”, serait le fils du prince de Vasa, et que Ferdinand Maximilien serait lui l’enfant du Duc de Reichstadt, le fils de Napoléon et de Marie-Louise. On ne sait pas si ces rumeurs sont fondées, mais étant donné l’attachement de l’archiduchesse à son rang, on doute fort qu’elle ait risqué une remise en cause de son statut et de celui de ses fils qui représentaient tous ses espoirs. 

Sophie de Bavière devient l’archiduchesse d’Autriche 

Impératrice pour tout sauf pour le titre

A la cour d’Autriche, la jeune archiduchesse est très bien accueillie par François Ier. En effet, Sophie est la demi-sœur de sa quatrième épouse, Caroline-Augusta. Les deux sœurs ne sont pas particulièrement proches mais elles s’entendent bien. Et quand Sophie arrive, sa forte personnalité et son intelligence impressionne tant qu’elle prend rapidement un place centrale à la cour de Vienne, alors qu’elle est théoriquement la Troisième dame du royaume étant l’épouse de 2nd héritier de l’Empereur.

Elle tient un salon qui a beaucoup de succès, elle fréquente Franz Liszt, le compositeur Johann Strauss lui dédie une valse, on donne également son nom à une salle de bal et à un établissement de bain, une espèce de rose lui est dédiée. Sophie apporte un vent de fraîcheur à une monarchie qui commence à se faire vieillissante. Elle fascine même son frère le roi Louis Ier de Bavière qui souhaite placer un portrait de sa sœur dans la Galerie des Beautés qu’il fonde à Munich avec des portraits des plus belles femmes d’Europe. 

L’archiduchesse Sophie, influente à la cour viennoise

Quand le vieil empereur François Ier meurt en 1835, son fils aîné monte sur le trône, contrairement à la volonté du défunt qui voulait que ce soit son second fils, le mari de Sophie, qui règne. Mais l’archiduchesse ne perd pas sa place centrale pour autant. L’épouse du nouvel empereur Ferdinand Ier, Maria-Anne de Sardaigne lui laisse, elle aussi, le devant de la scène. Et justement, cette place de choix qu’occupe l’archiduchesse Sophie de Bavière pose problème, elle a trop d’ambition pour le chancelier Metternich qui est au pouvoir depuis 1810. C’est lui qui insiste pour placer Ferdinand sur le trône pour garder Sophie loin du pouvoir.

Mais Sophie de Bavière ne recule pas pour autant. A la mort de sa mère en 1841, elle s’impose comme une cheffe de famille solide. Cette solidité lui sera d’ailleurs salvatrice quand, en 1848, a lieu la révolution autrichienne. Metternich est obligé de s’exiler, la Hongrie se soulève, et la famille impériale décide de fuir. Dans un premier temps ils se rendent à Innsbruck, puis à Prague et ensuite à Olmütz. 

Le trône pour objectif 

Cette révolution inquiète énormément le pouvoir impérial. Les révolutionnaires exigent des libertés politiques, et des droits démocratiques. L’exil de Metternich témoigne de la réelle menace que constitue cette insurrection. L’empereur Ferdinand Ier est incapable de calmer les choses, il ne sait pas régner. Alors Sophie, aidée de sa demi-sœur et l’impératrice Marie-Anne, décide qu’il faut agir. Ensemble, elles parviennent à convaincre Ferdinand Ier d’abdiquer, ce que l’homme fait. Cet épisode est appelé “Le complot des Dames”.

Ensuite, Sophie va convaincre son mari de renoncer au trône impérial au profit de leur fils, le jeune François Joseph, âgé tout juste de 18 ans. Totalement dévoué à sa femme, François-Charles accepte. Ainsi, de par son influence et sa popularité dans les hautes sphères autrichiennes, Sophie parvient à installer son fils sur le trône. En faisant cela, elle renonce au trône pour elle-même. C’est un choix calculé, car elle ne compte pas s’éloigner du pouvoir pour autant. 

L’archiduchesse au sommet du pouvoir

Régner dans l’ombre 

Le 2 décembre 1848, François-Joseph accepte sa charge d’empereur, on dit qu’il aurait déclaré “Adieu ma jeunesse”, comprenant la charge colossale qui lui incombe. Il décide de prendre comme devise “Viribus unitis” qui veut dire “avec nos forces unies” et entreprend de rentrer à Vienne où les soulèvements ont été réprimés de manière sanglante. La révolution autrichienne a échoué. Le jeune homme s’appuie énormément sur sa mère Sophie, pour gouverner, ainsi que sur le prince Felix zu Schwarzenberg qui a grandement contribué à la mettre sur le trône. Ensemble ils rétablissent les Habsbourg et leur pouvoir avec une fermeté très associée à Sophie.

Débute ainsi un régime néo-absolutiste qui cherche à unifier les territoires autrichiens. Sophie de Bavière est l’une des artisanes des décisions prises mais il est compliqué de déterminer lesquelles car elle ne signe rien. Elle reçoit dans ses appartements les hommes d’état et autres seigneurs mais qui sait ce qui est dit entre ses murs. François-Joseph Ier a une profonde admiration pour sa mère et il l’écoute la plupart du temps. Toutefois si il a bien une fois ou il n’écoute pas c’est dans le cas de son mariage et de la femme qu’il va épouser. 

Sissi et l’archiduchesse Sophie, une relation conflictuelle

Quand vient le moment de marier son empereur de fils, Sophie étudie longuement les différents partis disponibles en Europe. Elle se tourne, dans un premier temps, vers la Prusse mais c’est un échec. Alors elle va se pencher sur les filles de sa sœur Ludovica qui a épousé le duc de Bavière. Immédiatemment son intérêt se pose sur l’ainée, Hélène en Bavière, une belle jeune femme douce et accomplie, la belle-fille parfaite. Sauf que quand Hélène et François-Joseph se rencontrent, le regard du jeune empereur ne se porte pas sur sa promise mais sur sa jeune sœur, âgée de 15 ans, Elisabeth Wittelsbach, dite “Sissi”. Malgré les objections de Sophie, le jeune homme est amoureux, et en 1854 le mariage est célébré à Vienne. 

Sauf que la jeune Elisabeth s’acclimate très mal à la vie de cour viennoise dont le protocole est très strict et rigide. Les tensions avec l’archiduchesse Sophie sont immédiates, les deux femmes sont extrêmement différentes et ne se comprennent pas. Sophie n’est pas aussi tyrannique qu’on peut le croire avec Sissi. Ce que l’archiduchesse veut pour sa belle-fille c’est un règne éclairé et sérieux qui fera perdurer la maison Habsbourg. Sauf que Sissi ne l’entend pas de cette oreille et pour Sophie, elle se comporte comme une enfant et ne comprend pas ce que signifie la charge de souveraine. 

Pour Sophie, la tradition est cruciale. Quand au nom de celle-ci elle décide de prendre les enfants de Sissi pour les élever elle même, une profonde rupture se crée et leur relation se fera d’autant plus compliquée. Ça sera Sophie qui élèvera Gisèle d’Autriche et Rodolphe d’Autriche, et pour cela, Sissi lui en voudra toujours.

L’effondrement de son empire 

Dans les années 1860, l’Autriche et Sophie doivent faire face à plusieurs guerres qui vont abîmer leur pouvoir. En effet, en 1861 est perdu le territoire autrichien du nord de l’Italie. Ensuite en 1866 face à la Prusse, l’Autriche est défaite à nouveau et est exclue du conglomérat germanique. Puis en 1867, son cher fils Maximilien, qui était devenu roi du Mexique, meurt fusillé à Queretaro après un procès peu équitable et une insurrection républicaine menée par Benito Juarez. Sophie est brisée et voit Napoléon III comme le responsable de cette mort tragique pour avoir abandonné le roi du Mexique à son sort, elle refusera même de recevoir l’empereur français quand il viendra lui offrir ses condoléances. Comme la mort de son fils l’atteint profondément, peu à peu, l’archiduchesse Sophie commence à se retirer de la vie de Cour.

 

Le 28 mai 1872, atteinte d’une pneumonie, âgée de 67 ans, Sophie s’éteint à Vienne, veillée par sa belle-fille Sissi qui reste avec elle jusqu’au bout. Malgré tous leurs désaccords, au final, elles étaient deux femmes, deux mères endeuillées, au fort caractère, qui souhaitent le meilleur pour leurs enfants et l’Autriche. 

Photographie de Sophie de Bavière (vers 1866) Ludwig Angerer
Photographie de Sophie de Bavière (vers 1866) Ludwig Angerer

L’Archiduchesse Sophie de Bavière est un personnage de l’histoire bien incompris. Souvent vue comme la méchante belle-mère de Sissi, elle fut pourtant une femme d’honneur qui su toujours privilégier son devoir par dessus tout. C’est elle qui réussit à maintenir l’Empire autrichien en vie et à mettre son fils sur le trône grâce à son ambition et à sa force de caractère. Malgré les nombreux drames qu’elle vécut au cours de sa vie, la perte de certains de ses enfants comme sa fille Marie-Anne et Ferdinand-Maximilien, elle resta toujours debout et se comporta en souveraine toute sa vie. Même si elle n’eût jamais officiellement le titre d’Impératrice, elle sut briller par son intelligence politique qui marqua son siècle.