Portrait d'Olympe de Gouges
Personnages historiques

Olympe de Gouges, portrait de la première féministe

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C’est l’une des femmes de la Révolution les plus célèbres. Son combat pour des droits égaux et ses très nombreux écrits ont fait d’elle une icône majeure non seulement de la Révolution, mais aussi du féminisme. Femme des Lumières, elle s’est illustrée par ses idées novatrices qui lui ont d’ailleurs coutés la vie. Brillante et intrépide, qui était Olympe de Gouges, la première féministe ? Voici son portrait. 

Une jeunesse conventionnelle (1748-1766) 

Famille de la petite bourgeoisie 

Le 7 mai 1748, naît au sein de la famille Gouze une petite fille prénommée Marie. Son père est boucher, il s’appelle Pierre Gouze, et sa mère une femme de la bourgeoisie, s’appelle Anne-Olympe Mouisset. La petite famille vit à Montauban, dans le sud de la France. Le couple n’est pas véritablement heureux, leur mariage est forcé par la famille Mouisset pour éloigner Anne-Olympe d’un jeune noble. La petite Marie n’a pas de frères et comme c’est une fille, on ne lui trouve pas de précepteur. À l’époque, on ne voit pas l’intérêt d’éduquer une fille plus que nécessaire. On lui apprend à lire, voire à écrire mais c’est tout. Le nécessaire étant de savoir se tenir correctement et élever des enfants dans le milieu de Marie.

C’est à la mort de son père, Pierre Gouze, qu’une nouvelle figure va entrer dans sa vie. En réalité, Gouze ne serait pas son véritable père. Il semblerait que le père naturel de la petite Marie soit le jeune noble dont on avait voulu éloigner sa mère dans le passé, le marquis Jean-Jacques Lefranc de Pompignan. La mère de Marie et le marquis avaient grandi ensemble et avaient développé une certaine intimité. Au mariage d’Anne-Olympe ils furent séparés. Mais quelques années plus tard, quand Pompignan fut de retour à Montauban, il semblerait qu’ils aient renoué et que la petite Marie en soit le résultat. 

Jean-Jacques LeFranc de Pompignan
Portrait du marquis LeFranc de Pompignan

Un père naturel admiré 

Ainsi, à la mort du père Gouze, le marquis de Pompignan décide de prendre en charge cette enfant et sa mère pendant un temps. En effet, ce n’était pas n’importe qui comme homme. Grand intellectuel, il possédait une certaine notoriété. Il était à la fois poète, dramaturge, écrivain et traducteur. En 1734, il avait rédigé la pièce Didon, jouée à la Comédie Française, et qui avait d’ailleurs remporté un certain succès. Il fut même élu, bien plus tard, à l’Académie Française et s’attira quelques problèmes avec Voltaire qui fit de lui un de ses ennemis personnels. Ainsi, il avait pour lui énormément de qualités, et aux yeux de la petite Marie il était tout. Il s’intéresse à la petite fille quelque temps, jusqu’au remariage de sa mère en 1753. A partir de cette date-là, le marquis disparaît peu à peu de la vie de la jeune fille. Il ne la reconnaîtra jamais véritablement. 

Cependant, la figure imposante et éclairée de ce père restera dans la tête de celle qui deviendra Olympe de Gouges. Sa figure est probablement la fondation de l’ambition de la jeune fille, un modèle quelque peu idéalisé, mais qu’elle dépassera de loin. 

Un mariage malheureux 

Après le remariage de sa mère, c’est au tour de Marie, en 1765 de se marier. A 17 ans, elle épouse, de force, Louis-Yves Aubry, un officier de bouche qui devient traiteur grâce à la dot de Marie. Il est plus vieux qu’elle et elle ne l’aime pas. Très rapidement elle tombe enceinte et donne naissance à un fils, Pierre. Le mariage n’est pas heureux, il semblerait que son mari la battait et la violait. Elle écrira plus tard sa répulsion pour l’homme et dit de lui qu’il “ n’était ni riche ni bien né” et que ce mariage était désastreux. Cependant, le calvaire fut de courte durée car Louis Aubry meurt en 1766, dans des circonstances incertaines. Mais peu importe Marie, elle est libre. Elle ne prendra jamais le nom de son mari. Ce fut la première et la dernière fois qu’elle se maria.

En 1770, elle fait la connaissance d’un riche entrepreneur des transports à Montauban nommé Jacques Biétrix. Elle décide de partir avec son fils et lui pour Paris, laissant sa vie derrière elle, et par la même occasion, son nom. Désormais elle sera Olympe de Gouges.  

Portrait d'Olympe de Gouges
Portrait anonyme d’Olympe de Gouges

Olympe de Gouges et Paris (1767-1787)

Une vie de parisienne

A Paris, les historiens pensent qu’elle vivait avec Jacques Biétrix comme un couple marié. Elle mène grand train et surtout, investie dans l’éducation de son fils, sachant l’importance de la culture dans la capitale. Il est possible qu’elle ai eu une fille avec Biétrix mais qui est morte née. Quand l’histoire de celle qui est maintenant Olympe de Gouges fut écrite, il y eu une tendance à affirmer que les premières années qu’elle avait passé à Paris, elle les auraient passé en usant de ses charmes pour avoir des avantages, ramenant toutes ses actions à son physique et à sa condition féminine. Cependant, l’historien Olivier Blanc, qui réalise dans les années 80 un important travail bibliographique sur Olympe de Gouges, pense plutôt qu’elle vivait juste en femme du monde, et que c’est cette position qui lui permit de s’ouvrir à l’effervescence parisienne. 

En 1778, elle n’est vraisemblablement plus avec Jacques Biétrix, mais on sait qu’il lui assure toujours un soutien financier. Et de son côté, Olympe est devenue une véritable personnalité. 

La découverte des salons

Au fil des années à Paris, Olympe de Gouges s’est entourée de nombreuses personnes d’influence. Elle est amie avec Philippe d’Orléans et avec son amie, la marquise de Montesson, qui tient un salon que Olympe fréquente beaucoup. Le phénomène des salons parisiens, à l’époque des Lumières, est un élément très important de la société. En fréquentant ces salons, tenus par des dames de qualités comme la Montesson, Olympe de Gouges parfait ses lacunes dues à son manque d’éducation dans son enfance. On y parle d’égalité politique homme/femme, d’éducation pour les filles, d’esclavage, de mariages forcés et de divorces. 

Peu à peu, elle se rend compte que ce milieu la passione. Elle déménage et part vivre dans le quartier le plus en vogue de Paris, la rue Poissonnière. Elle se lie également d’amitié avec des grands intellectuels de son temps comme l’écrivain Louis-Sébastien Mercier, Antoine de Rivarol, ainsi que Jean-François Marmontel…

La passion d’Olympe de Gouges pour le théâtre 

Grâce à la stimulation intellectuelle des salons, Olympe va décider de prendre la plume pour écrire toutes les idées qui lui viennent en tête. Elle pense écrire un roman, comme toutes ses contemporaines, mais un autre domaine l’attire, c’est le théâtre. Peut être lié à la mort de son père naturel, le marquis de Pompignan en 1784, elle écrit sa toute première pièce “L’esclavage des noirs ou Zamore et Mirza”. Avec détermination, elle présente sa pièce à la Comédie française et est reçue.

Mais voilà, le propos de la pièce est bien trop avant-gardiste, et après seulement trois représentations, un boycotte et des huées organisées par les colons outragés, la pièce est arrêtée. Sa seconde oeuvre, “L’amour fou” ne sera jamais acceptée. Olympe essuie de nombreuses critiques, notamment d’un Beaumarchais jaloux qui l’accuse de ne pas écrire elle-même ses textes. Cependant elle ne se décourage pas, et en 1788 elle décide de publier sa 1ère pièce et de l’accompagner d’essais “Réfléxions sur les hommes nègres” un texte abolitionniste. C’est l’un de ses premiers écrits politiques. 

La politique, seul véritable amour d’Olympe de Gouges (1788-1793) 

Devenir une activiste politique 

En 1788, elle écrit son premier pamphlet politique, « Lettre au peuple, ou projet d’une caisse patriotique par une citoyenne » en réaction à la crise budgétaire que traverse le royaume que le roi Louis XVI et son ministre des finances Jacques Necker tentent de résoudre. Puis, en 1789, quand les Etats généraux sont convoqués, elle décide de s’y rendre et d’y assister en tant que spectatrice. Comme elle n’a pas le droit de prendre part aux débats, étant une femme, elle se fait entendre en produisant une quantité d’affiches.

Elle continue la rédaction de ses pamphlets et de ses lettres ouvertes qu’elle adresse au peuple. Elle écrit au moins une fois par jour et déverse des idées absolument révolutionnaires, et notamment de réformes sociales. Elle propose la création de “Maisons de coeur” pour aider les gens dans le besoin, des soupes populaires en quelque sorte. Mais son franc parler et sa manière de signer ses textes ne plaisent pas à tout le monde. 

Un texte fondateur signé Olympe de Gouges

Mais sa côte de popularité lui importe peu. Ce qu’elle veut c’est changer les choses et elle porte avec enthousiasme et détermination ses idées. Et notamment sa vision de ce que devraient être les droits des femmes, car elles aussi sont citoyennes. Alors en 1791, en réaction à la publication de 1789 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle écrit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. A l’intérieur, elle reprend tous les articles de la déclaration originelle et y fait quelques ajouts. Elle avance le droit qui revient aux femmes de participer à la vie politique. Voici ce qu’elle revendique:

  • La liberté 
  • La sûreté
  • La résistance à l’oppression 
  • La liberté d’expression 
  • Le droit à la propriété 

Tant de concepts qui ne seront pas accordés aux femmes en France avant le XXe siècle au moins ! Elle évoque le rôle clé de la femme dans l’Histoire et le fait qu’elle mérite de participer à cette révolution. Olympe de Gouges utilise l’écriture comme une arme de combat. Ce texte, elle le dédie à la Reine, par humour peut-être, mais plus probablement car elle pense que la voix de la Reine a de l’importance et qu’elle se doit de s’impliquer. 

De la plume à l’échafaud

Cependant, au fur et à mesure que ses écrits sont publiés, parlant de droits de la femme, d’esclavage ou de droits sociaux, Olympe de Gouges commence à poser problème.

En 1792, avec la fuite du roi à Varenne, elle voudrait des discussions plus pacifiques, tournées vers la concorde. Elle rejoint le groupe des Girondins modérés et s’attire d’autant plus les foudres des révolutionnaires plus extrêmes comme Robespierre et ses amis. Quand la Terreur commence, elle est absolument horrifiée et ne se garde pas de l’afficher, littéralement, dans tout Paris. Elle tient Marat et Robespierre responsables du sang versé, et elle le dit, haut et fort. 

Olympe refuse de se taire, elle a le droit de s’exprimer, même si elle se met en danger. Après un énième pamphlet attaquant Robespierre et sa tyrannie, elle lance une campagne d’affichage pour le suffrage universel, une idée bien trop avant-gardiste pour l’époque. Il n’en faut pas plus qu’elle se fasse arrêter le 20 juillet 1793, sur le pont Saint-Michel.

Elle est emprisonnée dans des conditions misérables et elle décrit ce qu’elle vit dans des pamphlets qu’elle arrive à faire passer à l’extérieur. Cependant elle a encore espoir d’être sauvée. Sauf que les gens tremblent de peur, son fils la renie pour se protéger, ses amis se cachent et les clubs féminins ont été interdits. Elle se retrouve seule, à son procès, et malgré ses plaidoiries, elle est condamnée à mort.   

Gravure d'une femme menée à la guillotine place de la Révolution
Gravure d’une femme menée à la guillotine place de la Révolution

Le 3 novembre 1793, elle monte à l’échafaud. Elle a la tête haute et ne tremble pas. Deux semaines plus tôt, la Reine avait été guillotinée comme elle, place de la Révolution. La légende veut qu’elle se soit tournée vers la foule et qu’elle ait clamé: “Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort” avant d’être guillotinée. 

La personnalité fantastique qu’est Olympe de Gouges a longtemps souffert de la misogynie de l’Histoire. On a cherché à la faire disparaître, elle et ses idées. Le travail d’Olivier Blanc dans les années 80 est la première étape qui a permis de la redécouvrir et de lui donner l’importance qu’elle mérite dans nos livres d’histoire. Ses idées sont novatrices et passionnantes et elle est souvent mentionnée comme la toute première féministe, avant même l’invention du terme. Si son apport à la société n’a été admis que tard, il s’avère que nous lui devons beaucoup, et que son histoire se doit d’être racontée, encore et encore.