Fontevraud commence son histoire en 1101 quand le moine itinérant Robert d’Arbrissel décide d’établir sa communauté. Ayant rassemblé un certain nombre de fidèles, il s’inspire de la règle bénédictine pour fonder son propre ordre. Trois principes vont alors s’appliquer à ses fidèles : pauvreté, pénitence, et travail. L’histoire de l’abbaye de Fontevraud va alors s’étirer sur près de 900 ans, jusqu’à devenir un important centre culturel de nos jours. Voici le récit, riche et étonnant, de l’Abbaye Royale de Fontevraud.
Une histoire bien remplie
L’abbaye royale de Fontevraud (1101-1792)
Une dizaine d’années après la fondation de l’abbaye, Robert d’Arbrissel nomme à sa tête une femme pour diriger à la fois les femmes et les hommes de l’ordre. Cette femme c’est Pétronille de Chemillé. Elle est la première d’une longue série d’abbesses qui feront de Fontevraud une des abbayes les plus puissantes d’Europe.
La communauté s’agrandit peu à peu et des liens se créent avec les Ducs d’Anjou et plus tard avec les Plantagenêt. Ce soutien de la noblesse régionale contribue à accroître l’influence de Fontevraud. En 1199, Aliénor d’Aquitaine ancienne reine des Francs et d’Angleterre cherche un lieu de sépulture pour son époux Henri II de Plantagenêt et son fils Richard Cœur de Lion, elle jette son dévolu sur Fontevraud.
En 1200, à presque 80 ans, épuisée par les intrigues politiques, Aliénor d’Aquitaine décide de se retirer à l’abbaye. Elle y vit pendant 4 ans et commande, pour son mari, son fils et sa belle fille, et elle-même, des gisants impressionnants de réalisme, toujours visibles aujourd’hui dans l’église de l’abbatiale. Quand elle meurt en 1204, à 82 ans, on l’enterre à Fontevraud. L’image qu’elle laisse à travers son gisant nous restera en mémoire: elle se représente en reine, un livre à la main, symbole de culture.
Le second âge d’or de Fontevraud débute avec l’arrivée d’une nouvelle abbesse en 1670, nommée par Louis XIV. Cette femme n’est autre que la soeur de la favorite du roi, Mme de Montespan, elle s’appelle Marie-Madeleine Gabrielle Rochechouart de Mortemart. La jeune abbesse de seulement 25 ans brille par sa culture, on la surnomme même “la perle des abbesses”. Elle maîtrise la philosophie, la théologie, parle plusieurs langues et à un goût certain pour l’art et pour la tragédie de Racine. Grâce à elle, l’abbaye s’ouvre sur le reste du royaume et fait en quelque sorte peau neuve. Mais ce nouveau panache ne survit pas. A la Révolution Française, Fontevraud est saccagé.
Une des plus dures prisons de France (1814-1963)
En 1792, après 800 ans de vie monastique, l’Etat saisit les biens de l’abbaye, on supprime les ordres, et pour faire bonne mesure, on chasse les religieuses qui s’y trouvent encore. On contraint la dernière abbesse, Julie d’Antin à fuir. A partir de cet événement, l’histoire de l’abbaye va prendre un tournant qu’on aurait difficilement pu prévoir. En 1804, Napoléon Bonaparte signe un décret et décide de transformer l’abbaye en centre pénitentiaire. 10 ans de travaux sont nécessaires pour transformer les lieux. Le 3 août 1814, la prison accueille ses premiers prisonniers.
Réputée comme une des manufactures carcérales les plus dures de France, la prison de Fontevraud est un véritable enfer. Pas de presse, le courrier est lu, les visites très limitées, et il est impossible aux détenus d’interagir. De plus, Fontevraud est également une manufacture, et chaque jour les prisonniers sont mis au travail, dans le silence. Au moindre faux pas c’est le cachot ou la salle de correction. En 1928, le Ministère de la Justice commande un reportage photographique de Fontevraud. Les photos, prises par Henri Manuel, nous sont parvenues. Elles sont un témoignage crucial de la vie dans Fontevraud à l’époque. Elles nous donnent une image dure et implacable des lieux et surtout des conditions de vie des détenus.
Un fait divers marque également l’histoire de la prison de Fontevraud. C’est la triple évasion qui a lieu le 15 juin 1955. L’affaire, très médiatisée, rappelle aux gens l’existence de la prison. 7 ans plus tard, la prison ferme ses portes.
Aujourd’hui, toute cette histoire est racontée dans des salles dédiées au sein de l’abbaye. Sont présentés des objets d’époque utilisés au quotidien et dans la manufacture. On y voit des vêtements, une porte de cachot, et d’autres objets de vie. Des photos d’archives sont également présentées pour que vous puissiez avoir une vision complète de ces 150 ans.
Aujourd’hui, l’abbaye de Fontevraud comme lieu d’art et de culture
Un siècle de restauration
La longue histoire de Fontevraud, de l’abbaye à la prison, a créé un complexe architectural impressionnant. Le domaine s’étend sur 13 hectares, et on y trouve:
- L’immense abbatiale
- Le cloître
- La salle capitulaire
- Les cuisines romanes
- Les bâtiments de la prison
Bref, cela fait un certain nombre d’infrastructures chargées d’histoire qu’il faut entretenir. Même si, fin XIXe, la prison est encore en activité, on commence tout de même à réfléchir à la manière de restaurer l’abbaye, on ne veut pas la laisser tomber en ruine.
En effet, dès 1840 on sait qu’il faut protéger les lieux. De ce fait, le site est classé dans la première liste des monuments historiques créée par Prosper Mérimée. Puis en 1886, on ne peut plus laisser l’abbaye se dégrader plus longtemps. L’architecte des monuments historiques, Lucien Magne, réalise des relevés archéologiques. Mais voilà, tant que la prison est pleine, difficile de commencer les travaux. En 1903 c’est enfin possible. Il rétablit un grand nombre d’éléments architecturaux qui avaient été cachés notamment dans l’abbatiale sur laquelle il se concentre. L’architecte fait également suivre les travaux par des photographes pour comprendre le travail fait dans l’abbaye.
L’autre élément architectural sur lequel Lucien Magne se concentre est les cuisines romanes. Le lieu a, dès le départ, une architecture atypique mais l’architecte veut le sublimer. Il propose une restitution avec quelques ajouts tirés de son imagination. Après tout, il est le disciple de Viollet-le-Duc. Ainsi, il consolide la structure et la déterre littéralement. Puis, il rétablit les absidioles à l’intérieur, et les couvre d’une forme conique qui se veut être une cheminée à l’extérieur. La toiture est restituée en forme d’écailles. Le résultat d’ensemble fait un certain effet, même si on ne sait pas vraiment si la restitution est fidèle. Lucien Magne sera d’ailleurs assez critiqué pour cette restitution, étant donné que son imagination y est pour beaucoup.
Cependant, en 2017, on remarque que la structure est dégradée. On lance alors une nouvelle campagne de restauration pour comprendre, restaurer et ouvrir l’édifice. Les travaux sont terminés en 2020 et le bâtiment est comme flambant neuf.
L’abbaye de Fontevraud en grand centre culturel
En 1975 on décide que le bâtiment mérite une nouvelle fonction, plus noble qu’une prison. Le président de la Région Pays de la Loire crée le Centre Culturel de l’Ouest. Le but est de redonner vie à l’abbaye. Une programmation culturelle est créée et on organise des résidences d’artistes, des festivals de musiques, des expositions historiques et d’art contemporain donnant une nouvelle vie à Fontevraud.
En 2021, on ouvre le musée d’art moderne de Fontevraud dans l’enceinte de l’abbaye. Grâce à la donation de Martine et Léon Cligman d’une partie de leur collection personnelle, l’abbaye de Fontevraud ouvre une nouvelle page de son histoire. Dans cette collection on peut retrouver des grands noms de l’histoire de l’art: Henri de Toulouse-Lautrec, Edgar Degas, Robert Delaunay. La sculptrice Germaine Richier est également exposée et même mise à l’honneur car c’est son travail qui ouvre la voie du musée. De plus, exposés en relation avec les œuvres d’art moderne, des objets antiques grecs ou égyptiens sont présentés au public. En tout, plus de 900 œuvres exceptionnelles sont exposées et viennent enrichir l’histoire culturelle de Fontevraud. En juillet 2022, le musée d’art décroche même sa première étoile dans le Guide vert Michelin, prouvant la qualité de sa scénographie, en plus de sa collection.
Pour rester toujours plus attractif pour le public, Fontevraud possède une programmation d’expositions temporaires très riche, il se passe toujours quelque chose. En plus des expositions organisées au sein du musée d’Art Moderne comme celle dédiée à Monet durant l’été 2022, il existe des expositions d’art contemporain la plupart du temps dans l’abbatiale même. Le but étant d’associer art ancien et art contemporain, les artistes exposés n’hésitent pas à faire dialoguer les deux opposés. On n’hésite pas à jouer avec l’architecture pour créer un espace nouveau à partir de l’ancien, c’est un renouvellement incessant et rafraîchissant.
Tout ce qu’il faut savoir pour votre visite
– Adresse : Abbaye Royale de Fontevraud, 49590 Fontevraud-l’Abbaye (à 15 min en voiture de Saumur)
Horaires d’ouverture : Ouvert du 7j/7: de 10h à 19h/20h (Les heures d’ouverture peuvent varier. Pour avoir une information exacte, n’hésitez pas à vous rendre sur le site internet de l’abbaye)
– Tarifs:
- Forfait Abbaye > Adulte : 12€ et Réduit: 7,50€
- Forfait Musée d’Art Moderne > Adulte : 6€ et Réduit: 3€
- Forfait Abbaye + Musée > Adulte : 15€ et Réduit: 8,50€
- Gratuité pour les personnes de moins de 26 ans ressortissante de l’Union Européenne
– Visites guidées disponibles avec un supplément
– Ateliers pour les enfants disponibles
– Accessible aux personnes à mobilité réduite
L’abbaye Royale de Fontevraud, avec ses 900 ans d’histoire est un morceau du patrimoine français qui mérite d’être mieux connu. A travers ses nombreuses abbesses, son sombre passé en tant que prison et sa résurrection et transformation en centre culturel, le lieu est une véritable pépite. Entre les visites guidées, les Nuits musicales, les ateliers, les visites sur le thème du vin, et plus encore, vous pouvez être sûr de vous y plaire !
Source : site internet de l’abbaye de Fontevraud