Femmes de la Révolution
Personnages historiques

Les Femmes de la Révolution : les héroïnes méconnues de l’Histoire

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La force et la détermination des parisiennes qui parviennent à ramener le Roi et la Reine à Versailles le 6 octobre 1789 constitue un tournant dans le récit de la Révolution française. Ce fut une action déterminante pour le sort de la famille royale et en définitive, pour le sort de la France toute entière. Et surtout, cet événement démontre que la Révolution n’a pas été qu’une affaire d’hommes. Voici le portrait de quatres femmes qui ont marqué leur temps, non pas par leur beauté, comme on raconte souvent leur histoire, mais par leur esprit et leur détermination. Elles agissent, parlent, écrivent et pensent et se placent en pionnières de ce qui sera un jour le féminisme. Ce sont les femmes de la révolution. Partons à leur rencontre !

Anne-Josèphe Théroigne De Méricourt ou l’Amazone rouge 

Née en Belgique, Théroigne n’a pas eu une enfance très heureuse. Orpheline de mère, maltraitée par sa belle-mère, arnaquée par un chanteur d’opéra italien, elle connaît bien des péripéties. C’est alors que, attirée par la nouvelle des Etats généraux, elle se rend à Versailles pour voir de plus près cette révolution. 

La naissance d’une militante 

A Versailles, elle se trouve au milieu de l’action, et se redécouvre. Théroigne est passionnée par la politique et devient une véritable militante. Elle suit tous les débats de l’Assemblée et n’hésite pas à les commenter en dehors des murs de l’institution. La jeune femme parle avec fougue, avec passion et se découvre un talent d’oratrice. Sans hésitation, elle parle de droits égaux, de misère, d’éducation pour les filles et les plus démunies et avec cela, elle ne manque pas de s’attirer les foudres de la presse royaliste.

Il faut dire qu’en plus de ses propos, elle a une apparence très atypique. Elle portait un grand chapeau à plume noir, et surtout, une redingote d’homme, rouge à col rabattu, une couleur qui faisait sans aucun doute son petit effet. Quand la famille royale est ramenée à Paris, elle les suit et s’y installe. Là bas, elle rencontre les grandes figures de la Révolution et se lie d’amitié avec Danton, Marat et Camille Desmoulins. Le mythe de l’Amazone rouge est né. 

Sauf que voilà, à cause de la haine que lui voue la presse royaliste, elle doit fuir en Belgique. Mais son hôte, le Baron Selys de Fanson, qu’elle croyait son ami l’espionne et elle est arrêtée puis enfermée pendant 9 mois par les Autrichiens. On finit par croire à son innocence et elle rentre à Paris. 

La chute d’une icône, femme de la Révolution

A la fin de l’année 1791 elle est de nouveau à Paris, et sa popularité est plus grande que jamais. Mais voilà, entre 1791 et 1793, plusieurs événements vont grandement entacher sa réputation: 

  • D’abord, elle entreprend de créer un escadron de femmes qu’elle appelle ses “amazones de la Révolution”, mais elle échoue. 
  • Puis, elle est faussement accusée d’avoir fait tuer un journaliste royaliste lors de l’assaut des Tuileries le 10 août 1792. 
  • Et le dernier événement, au début de la Terreur, elle est violemment prise à partie par des femmes du peuple et est fouettée à nu en public avant que Marat intervienne. 

Autant d’événements qui, en plus d’entacher sa réputation, contribuent à dégrader sa santé mentale. De plus, on pense qu’elle était atteinte de neurosyphilis, à un stade avancé. En 1794, on l’arrête pour l’interner à l’hôpital de la Salpêtrière, l’hospice spécialisé dans la maladie mentale . S’en est fini de l’Amazone rouge. Pendant 23 ans, Théroigne reste enfermée, observée comme un animal dans un établissement insalubre. Elle se laissera peu à peu mourir de faim et meurt le 8 juin 1817.  

Olympe de Gouges, féministe avant l’heure  

Née à Montauban, dans un milieu bourgeois, Marie Gouze est la fille illégitime du marquis de Pompignan, un grand dramaturge. Elle a une enfance somme toute heureuse. A 17 ans, elle se marie et est abusée par son époux. Quand ce dernier meurt, elle prend son fils et monte sur Paris. Là bas, prête pour une nouvelle vie, elle se renomme “Olympe de Gouges” . 

Une don pour l’écriture 

Certains historiens pensent qu’elle vivait une vie de courtisane et qu’elle subsistait de l’argent de ses amants. Mais ce qui va tout changer, c’est sa fréquentation des salons littéraires parisiens, où elle s’éduque. Mais c’est l’effervescence de l’époque autour du théâtre et de la dramaturgie qui va l’attirer le plus et lui donner une vocation nouvelle. Vers 1782, elle écrit sa toute première pièce, Zamore et Mirza. Avec cette pièce parlant d’esclavage et d’égalité, elle veut être produite à la Comédie Française. Elle n’hésite pas à dire les choses, et la vérité de son texte choque. Il n’y aura que 3 représentations, et la pièce sera arrêtée sous la pression des colons semble-t-il.

Cependant elle ne décourage pas et écrit une seconde pièce sur le même thème qui sera refusée. Cet intérêt pour le théâtre va allumer en elle un feu créateur. Elle veut devenir une femme de lettres, et ne plus utilsier son don d’écriture pour le théâtre, mais pour la politique. Après tout, il n’y a pas meilleur domaine pour proposer ses idées avant-gardistes.  

Un engagement pour les droits de la Femme, jusqu’au bout 

En 1789, l’Assemblée vote un texte qui va se révéler être fondateur pour la future République française, la Déclaration des Droits et l’Homme et du Citoyen. A aucun moment la femme n’est mentionnée dans ce texte, n’étant pas considérée comme ayant droit aux inovations de cette déclaration. En 1791, Olympe prend la plume et rédige le pendant de ce texte : La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Un écrit patriote et surtout visionnaire. Elle reprend chaque article et les associe au genre féminin, et parfois elle ajoute certaines choses. Ce texte est fondateur, crucial et en dit long sur l’engagement d’Olympe. Elle veut que les femmes fassent partie de l’Assemblée, ce ne serait que justice. 

En 1792, c’est la Terreur ! Olympe sent bien que la Révolution va trop loin. Autour d’elle, les gens sont guillotinés un par un. Elle qui n’a jamais hésité à signer ses textes et à dire ce qu’elle pense en public décide d’agir. Elle rédige un texte qu’elle fait afficher dans Paris pour demander le suffrage universel. C’en est trop pour Robespierre, qui l’a fait arrêter. Elle est emprisonnée et entreprend d’écrire ses mémoires. On bâcle complètement son procès et le 3 novembre 1793 elle est envoyée à l’échafaud. Fièrement, elle gravit les marches La légende raconte qu’avant de perdre la vie, Olympe aurait dit ces derniers mots:  “Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort”. 

Manon Roland et le pouvoir de la plume 

Née à Paris, Jeanne Marie Phlipon a une enfance heureuse. Née dans un milieu bourgeois, elle reçoit une très bonne éducation. Elle se passionne pour Rousseau et les héros grecs. Par le biais d’amies, elle rencontre Jean-Marie Roland de la Platière, un brillant économiste, son futur mari, et celui qui sera le catalyseur de son génie politique. 

Une grande salonnière 

Dès son mariage en 1780, Manon collabore avec son mari dans le travail de ce dernier. Elle suit son mari dans les différents déménagements qu’ils doivent entreprendre. En 1791, en pleine effervescence de la révolution et en raison de l’ascension politique de son mari, ils déménagent à nouveau mais cette fois-ci à Paris. Manon devient immédiatement membre du Club des Girondins. Elle crée son propre salon, rue Guénégaud, lieu de sociabilité et de vie intellectuelle. Sous la bannière des philosophes des Lumières, Manon et ses amis discutent et amènent des idées pour changer le monde. On sait que Robespierre, Desmoulins ou Brissot s’y rendent. Mme Rolland participe activement aux conversations et devient l’égérie des Girondins. Influencée par Rousseau et son livre La Nouvelle Héloïse, elle veut participer à la vie politique mais dans certaines mesures. En effet, elle ne veut pas être le centre de l’attention, et laisse la lumière à son mari. 

Une brillante mais discrète femme politique 

C’est ainsi que Manon Rolland va se mettre à diriger la carrière politique de son mari, dans les coulisses. M. Rolland, à son retour à Paris, est devenu Ministre de l’intérieur du Roi. Mais selon Manon, l’inaction de Louis XVI n’est plus tolérable et elle rédige une lettre, au nom de son mari. Elle y exhorte le roi à renoncer à son véto et à sanctionner les décrets. Chose prévue, Roland est renvoyé, mais il est cependant accueilli en héros à l’Assemblée. La popularité de son mari est montée en flèche au sein des Girondins, même si le véritable maître d’œuvre est son épouse. Certes, son mari est un brillant économiste, mais c’est elle la figure politique. C’est elle qui rédige ses discours et lui donne la carrure qu’il faut pour survivre à l’Assemblée. D’autant plus que quand Roland récupère son ministère, Manon est celle qui dirige. 

Nous sommes en 1792. Manon est révoltée par les massacres de Septembre. Elle écrit alors une lettre sanglante à Danton qui témoigne de sa haine et de son dégoût envers les actions des Montagnards. La vie à l’Assemblée est de plus en plus difficile. Roland, et donc Manon, subissent des attaques si virulentes qu’ils se retirent de la vie politique.

Mais cela ne change rien, on connait son militantisme, et en 1793, alors que les Girondins sont arrêtés en masse, Roland fuit, mais pas Manon. Elle est arrêtée à son tour le 2 juin 1793. Alors qu’elle se trouve dans le couloir de la mort,  elle entreprend d’écrire ses mémoires. Le 8 novembre 1793, après un procès inutile, on l’a conduit à l’échafaud. Elle monte, elle aussi, la tête haute. On dit qu’en guise de dernières paroles, elle aurait déclaré “Oh liberté, que de crime on commet en ton nom”, marquant à jamais l’histoire. 

Charlotte Corday, un meurtre pour la France 

Née en Normandie, Charlotte Corday vient d’une famille noble descendant du dramaturge Corneille. Elle a marqué l’histoire par une action violente mais décisive. Descendante de Corneille, la vie de Charlotte fait d’elle  une héroïne de théâtre

Une jeunesse pieuse et studieuse 

Dès son enfance, Charlotte Corday est éduquée avec soin. Elle lit Rousseau, Voltaire et bien évidemment Corneille. On la sensibilise sur la condition du peuple et on lui apprend à avoir une proximité avec ce dernier. Bientôt, Charlotte est placée dans un convent à Caen, comme c’était l’usage, pour parfaire son éducation. Là bas, en plus des prières qui rythment sa vie, Charlotte fréquente assidûment la bibliothèque, ou elle lit Montesquieu et toujours Rousseau. Elle organise des ateliers de dentelles pour les plus démunies.

Mais cette quiétude est de courte durée, la Révolution atteint Caen. Durant une insurrection, les révolutionnaires capturent le gouverneur de Caen, et à l’image de celui de la Bastille, on lui coupe la tête, on la place sur une pique qu’on va venir agiter sous les fenêtres du couvent. Cet événement va profondément choquer Charlotte et va susciter en elle un intérêt certain pour la  Révolution. Elle quitte le couvent et emménage chez sa tante. Très vite, découvre alors le club des Girondins réfugiés à Caen. Elle les écoute avec passion et, écoeurée par les événements sanglants qui se succèdent, elle prend une décision majeure. Elle décide de mettre fin à cette violence, et pour ça, Marat, symbole de la terreur pour elle, doit disparaître. 

Le 13 juillet 1793, l’assassinat de Marat

Pour Charlotte Corday, la Terreur est une aberration. Sa décision est prise assez spontanément, elle est convaincue que c’est sa mission. Le 9 juillet 1793 elle quitte Caen, seule, à bord d’une diligence de voyage. Elle ne reviendra jamais. Son plan est simple: acheter un couteau, trouver Marat et le lui planter dans le cœur. Elle a quelques difficultés a la rencontrer. En effet le politicien est férocement gardé par sa compagne et Charlotte a du mal à l’approcher. Mais elle finit par y arriver. Elle entre dans la pièce, elle lui parle un instant puis tire son couteau et poignarde d’un seul coup l’homme, perçant un poumon et le cœur, le foudroyant sur place. Nous sommes le 13 juillet 1793. Charlotte ne bouge pas, elle ne fuit pas et reste dans la pièce. Elle est rapidement arrêtée et traduite en justice. Elle ne nie rien et affirme avoir agi seule. Le 17 juillet, elle est menée à l’échafaud dans une robe rouge, celle du parricide. Elle meurt guillotinée, sa mission accomplie. Dans une lettre à son père elle affirme “Le crime fait la honte, non pas l’échafaud”. 

Dans les siècles qui suivirent, il eut un certain engouement romantique pour les femmes de la Révolution. Il a fallu attendre longtemps avant qu’on comprenne l’importance des actions de ces femmes. Leur vie s’est terminée de manière tragique mais dans le court temps qu’elles ont eu, elles se sont illustrées par leur détermination et leur intelligence. On a grandement romantisé leurs actions comme avec la Collection Vatel au musée Lambinet, qui rassemble près de 500 pièces en rapport avec Charlotte Corday. Mais aujourd’hui on sait comment étudier leurs écrits et leurs actions, qui marquent les prémices du féminisme moderne. Ce sont des héroïnes, qui se sont battues pour faire entendre la voix des femmes dans une époque profondément sexiste.