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Anne Boleyn, la reine martyre

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Anne Boleyn fait partie de ces personnages qui ont laissé une trace indélébile dans l’histoire de l’Angleterre. D’abord parce que rien ne la destinait à devenir reine, mais aussi parce que son mariage avec Henri VIII a profondément bouleversé l’ordre politique et religieux du pays. Sa chute aussi vertigineuse que tragique la placera au rang de martyr dans l’histoire protestante. Partons à la rencontre de celle qui, malgré son destin funeste, donnera naissance à l’une des reines les plus célèbres et puissantes du monde, la reine Elisabeth Ière d’Angleterre. Partons à la rencontre d’Anne Boleyn, l’une des épouses du roi Henri VIII.

Anne Boleyn, une jeunesse controversée

La jeunesse d’Anne Boleyn a fait l’objet de beaucoup de suppositions et de rumeurs. Des doutes autour de sa naissance perdurent, et ses relations familiales étaient tendues et complexes.

Des doutes autour de sa naissance 

Château de Blinckling Hall
Château de Blinckling Hall
Source : ePHOTOzine

Les registres paroissiaux de l’époque,  inexistants, ne permettent pas de donner une date de naissance précise à Anne Boleyn. Plusieurs rumeurs persistent au sujet de celle-ci : elle serait née en 1499 selon les historiens, en 1512 selon William Roper, gendre de Thomas Moore. Une seule preuve tangible permet de cibler une date : la découverte d’une lettre écrite par Anne à son père en 1514, dans un français impeccable, qui permet d’estimer qu’en 1514 elle doit avoir 12 ou 13 ans. 

Cependant, William Camden, biographe de la reine Elisabeth Ière, fille d’Anne Boleyn, estime qu’elle est née en 1507, tout comme la duchesse de Feria, dame d’honneur de la reine Marie Ière. Ainsi, ces 2 témoignages de contemporains d’Anne permettent d’avancer qu’elle serait née en 1507 et qu’elle avait donc moins de 29 ans au moment de sa mort.


Les Boleyn, une famille respectable aux relations tendues

Famille Boleyn
Portait de Sir Thomas Boleyn Source : wikidata

Anne est la fille d’Elisabeth Howard et de Sir Thomas Boleyn.  Elle est probablement née dans la maison familiale de Blickling Hall, à 25 km au nord de Norwich dans le Norfolk en Angleterre. 

Elle a une sœur aînée Mary Boleyn et un frère George. Sa relation avec son père, dont elle cherche l’admiration enfant, se détériore au fil des années. Celles avec sa sœur Mary aussi : elles sont cordiales entre elles, mais ne se parlent plus du tout au moment de la mort d’Anne. Elles ont pourtant eu le même royal amant : Mary a entretenu une liaison avec Henri VIII avant qu’il ne succombe aux charmes de sa sœur. Anne a de meilleures relations avec sa mère Elisabeth et son frère George. 

Si sa famille n’est pas noble depuis plus de quatre générations, elle n’en est pas moins considérée comme une des plus respectables d’Angleterre. Son père Thomas est un diplomate polyglotte, favori du père d’Henri VIII, le roi Henri VII. C’est son père qui obtient à Anne une jolie place à la cour des Pays-Bas. 

Une éducation hollandaise et française

L’archiduchesse Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas tombe, par l’entremise de Sir Thomas Boleyn sous le charme d’Anne et en fait sa dame de compagnie. Elle y restera un peu moins d’un an, avant que son père l’envoie terminer ses études à Paris. Par études, il est ici plutôt question d’éducation : au XVIème siècle les jeunes filles apprenent à parler plusieurs langues, à coudre, broder, à tenir une conversation et à danser. 

En France, elle est dame de compagnie et interprète de la reine Claude de France, l’une des épouses de François Ier. Elle ressort de cette expérience bilingue et incollable sur l’étiquette française. Son charme et son habile conversation semblent aussi avoir fait tourner la tête de plusieurs gentilshommes. En effet, François Ier, roi de France, aurait confié au duc de Norfolk, « combien Anne avait toujours vécu avec peu de vertu ». 


Anne Boleyn, une beauté étrange 

Anne Boleyn une beauté étrange
Portait d’Anne Boleyn
Source : Hever Castle

Anne est séduisante. Elle n’a pas une beauté commune, selon les témoins de l’époque. Elle est mince et bronzée, contrairement aux canons habituels de la cour d’Angleterre, mais on reconnait que ses grands yeux noirs et ses cheveux foncés, lâchés sur son dos lui donnent beaucoup de charme. 

Revenue en Angleterre après son passage à la cour de France, elle fait grande impression avec sa personnalité espiègle et son intelligence. Elle est également dotée d’un grand sens de la mode : elle lance les tendances à la cour, ce qui lui confère un statut d’icône. Elle aime jouer, boire du vin et bavarder, mais certains de ses détracteurs ajouteront qu’elle est aussi colérique, vindicative et a mauvais caractère. 

Anne Boleyn, de dame de compagnie à reine d’Angleterre

Femme charmante à la beauté enjouée, elle finit par croiser la route d’Henri VIII de la dynastie des Tudors, qui en fera son épouse au prix de grands bouleversements pour l’Angleterre. 

Sa rencontre avec le roi Henri VIII

Anne Boleyn sa rencontre avec henri VIII
Portraits d’Henri VIII et d’Anne Boleyn
Source : Town and Country.fr

Anne Boleyn arrive à la cour d’Angleterre au milieu d’un contexte compliqué : Catherine d’Aragon, première femme d’Henri VIII, jouit d’une certaine popularité auprès de ses sujets. Cependant, tous les garçons qu’elle a mis au monde n’ont pas survécu, et elle n’a qu’un enfant avec Henri VIII : une fille, Marie. 

Lors d’un bal masqué en 1522, elle exécute une danse compliquée avec la soeur du roi et d’autres dames de la cour : cette danse lui assure une grande réputation et fait d’elle une femme considérée comme les plus élégantes d’Angleterre

A cette époque, Anne fait la connaissance d’Henry Percy, fils du comte de Northumberland. Aucun historien ne peut affirmer que les deux furent amants, arguant qu’Anne avait vu trop de jeunes filles déshonorées pour souhaiter que cela lui arrive. Le comte de Northumberland refuse finalement de reconnaître les fiançailles et Anne est envoyée loin de la cour sur ses terres familiales. 

Anne Boleyn devient l’objet de désir d’Henri VIII

Revenant à la cour, Anne s’entoure d’un cercle rapproché d’admirateurs. Ses contemporains louent à l’époque son habileté à garder les hommes près d’elle. En 1525, le roi Henri tombe amoureux d’elle et commence à lui faire la cour

Elle se refuse à lui plusieurs fois et s’exclame “J’implore sincèrement votre majesté de cesser, et ceci est ma réponse de bonne foi. Je préfèrerais perdre la vie que mon honnêteté”. Ses supplications et ses refus sont loin d’arrêter le roi, et ne font au contraire qu’attiser son désir. Il la poursuit jusque dans le Kent, et partout où elle va. Elle finit par accepter de l’épouser, se refusant toujours à lui charnellement avant le mariage pour ne pas avoir de progéniture illégitime

Anne, quoique effacée, est soutenue par sa famille à la Cour et mène grand train : le roi la couvre de robes et de bijoux et elle se voit attribuer des servantes et des appartements. Il ne lui manque plus que la couronne de reine

Anne Boleyn et Henri VIII : un mariage à l’origine de grands bouleversements

Anne Boleyn un mariage à l'origine de grands bouleversements
Gravure du mariage d’Anne Boleyn avec Henri VIII par Jazet after St

Henri VIII a déja une femme, Catherine d’Aragon. Ne pouvant avoir deux épouses, il demande l’annulation de son mariage au Pape en 1527. Cette demande déclenche des bouleversements sans précédents pour l’Angleterre. 

Des bouleversements d’ordre politique 

En 1529, le pape n’a aucune intention d’accorder l’annulation du mariage d’Henri VIII et de Catherine d’Aragon. Celle-ci détient de nombreux soutiens : son neveu Charle V empereur du Saint Empire germanique détient le Pape. Des tractations secrètes commencent entre la reine Catherine et le pape Clément VII afin de contraindre Anne à l’exil. Lorsque cela est découvert, Henri VIII ordonne l‘arrestation du Cardinal Wolsey, son plus proche conseiller, qui décède lors de son transfert à la tour de Londres en 1530, où il devait être exécuté pour trahison. Un an plus tard, la reine Catherine est bannie de la cour et ses anciens appartements sont donnés à Anne. 

Des bouleversements d’ordre religieux 

L’exaspération d’Anne grandit à mesure que le Pape Clément refuse de lui donner accès à la Couronne. Elle suggère au roi Henri d’écouter les conseils de radicaux religieux tels que William Tyndale, qui dénie l’autorité du pape et qui croit qu’un monarque doit diriger l’Église. Elle fait également nommer Thomas Cranmer, aumônier de sa famille, nouveau premier conseiller du roi. L’ambassadeur d’Espagne décrit Anne comme « plus luthérienne que Luther lui-même ». 

Thomas Cranmer propose une manière radicale pour légaliser la situation d’Anne et la faire devenir reine. En avril 1533, le Parlement adopte la première des lois qui conduit l’Angleterre à rejeter officiellement le catholicisme et à établir l’Église protestante d’Angleterre. Cette loi prive le Pape de son autorité sur le roi et Catherine d’Aragon de ses arguments. 

Le 23 mai 1533, Cranmer convoque un tribunal ecclésiastique qui déclare nulle et non avenue l’union du roi avec Catherine. Cinq jours plus tard, le mariage entre Henri et Anne est établi comme valide et légitime.

Anne Boleyn, une reine dépensière, blâmée et cocue

Mariage Henri VIII et Anne
Le couronnement d’Anne Boleyn
Source : The Tudor Travel Guide

Le 31 mai 1533, Anne Boleyn entre dans Londres avec une procession de plus de 800 mètres. Elle est vêtue d’hermine blanche cousue d’or : elle est couronnée reine d’Angleterre. 250 domestiques sont à son service, à peine plus que ceux affectés au service de l’ancienne reine Catherine.  Elle dispose également d’une soixantaine de demoiselles d’honneur pour la servir et l’accompagner dans les cérémonies, ainsi que de plusieurs prêtres pour la confesser et la conseiller

Anne dépense des sommes folles en robes, bijoux et coiffures. De nombreux palais sont rénovés pour satisfaire ses goûts de luxe. Elle préside une cour parmi les plus fastueuses d’Europe

En accord avec les mœurs de l’époque, elle laisse de jeunes hommes entrer dans ses appartements pour séduire ses demoiselles de compagnies. Cette pratique était courante à l’époque, Catherine, première femme d’Henri autorisait elle aussi ce genre de chose.

Sexuellement, Anne et Henri alternent calme et passion. Lui continue d’avoir plusieurs maîtresses, ce qui rend Anne folle de jalousie. Il trouve également qu’elle a de mauvaises opinions politiques et religieuses. Anne est aussi blâmée pour le gouvernement tyrannique de son époux. Elle est soupçonnée d’avoir poussé Henri à signer l’arrêt de mort de son ancien conseiller Sir Thomas More, lorsque ce dernier refuse de rompre son serment de loyauté envers le pape Paul III.

Une maternité loin des attentes royales

Leur relation subit un nouveau revers lorsque Anne donne naissance à une fille, la future reine Elizabeth Ière, et non à un fils, ce que désirait par-dessus tout Henri.  Les contemporains de l’époque estiment qu’Anne est tombée enceinte 7 fois. Les seules quatre grossesses documentées sont celle d’Élisabeth, née en 1533, une fausse couche en été 1534, une autre d’un fœtus mâle à environ une vingtaine de semaines au mois de janvier 1536 et une dernière située entre septembre 1534 et le début de l’été 1535. 

L’incapacité d’Anne à donner un héritier à Henri achève de ternir leur relation et le roi ne supporte plus sa nouvelle reine. Il commence à courtiser une nouvelle femme : Jane Seymour

Anne Boleyn face à son destin 

Si l’ascension d’Anne à la cour fut rapide, sa chute le fut tout autant. Celle qu’on nommait “ la femme la plus élégante d’Angleterre” paiera de sa vie son ambition et son amour pour Henri VIII. 

Une chute vertigineuse 

Anne Boleyn une chute vertigineuse
Arrestation d’Anne Boleyn
Source : History.com

Tout s’enchaîne ensuite pour Anne Boleyn. Le jour des funérailles de Catherine d’Aragon, la première femme d’Henri, elle fait une fausse couche. Henri lui annoncera par la suite que “son mariage est maudit par Dieu”. Edward Seymour, le frère de la nouvelle favorite Jane se voir attribuer le titre de chevalier de l’ordre de la jarretière, au détriment de George le frère d’Anne. Elle se fait de plus en plus d’ennemis à la Cour, et le peuple ne l’aime guère

Le roi et ses conseillers cherchent alors à la discréditer et décident de lui attribuer plusieurs liaisons avec différents gentilshommes de la cour. Le 2 mai 1536, Anne est arrêtée sur le coup de midi et amenée à la tour de Londres, accusée d’adultère, d’inceste et de haute trahison. Elle ne cessera jamais de clamer son innocence. Son mariage avec Henri est également annulé et déclaré invalide. 

Elle est jugée le 15 mai 1536 et reconnue coupable et condamnée à mort, soit par décapitation, soit sur le bûcher, au bon plaisir du roi. Par souci de clémence, Henri choisit la décapitation

Une exécution sommaire

Anne Boleyn une exécution sommaire
Décapitation d’Anne Boleyn
Source : luminous.org

Anne demande à être exécutée selon la mode française à l’épée car elle la juge plus noble et plus efficace que la hache. Le 19 mai 1536, jour de son exécution, le gouverneur de la Tour de Londres déclara qu’il n’avait jamais vu une femme aussi paisible avant de mourir. Il ajoutera : “elle était dans la joie en l’attente de la mort. Son aumônier est toujours avec elle depuis deux heures après minuit. »

Habillée d’une cape rouge et d’une robe grise en soie, elle pardonne comme c’est l’usage à son bourreau. Elle fait également un petit discours à la foule qui se terminera par cette phrase : “Je prends mon congé du monde et de vous tous, et je vous demande du fond du cœur de prier pour moi”. 

Le bourreau procède ensuite à sa décapitation et son corps et sa tête sont déposés dans une caisse, car le gouvernement n’a pas prévu de cercueil pour elle. Elle est enterrée à la chapelle de St Peter ad Vincula dans l’enceinte de la Tour de Londres. 

Quel avenir pour sa fille Elisabeth ?

reine Elisabeth 1ère
Portait d’Elisabeth Ière d’Angleterre

Si Anne est morte disgraciée et abandonnée de tous, son héritage a tout de même perduré. En effet, à la mort du roi Henri VIII, le fils qu’il a eu avec Jane Seymour, Edward, lui succède sous le nom d’Edward VI. Celui-ci n’a que 9 ans et mourra à 15 ans d’une maladie. Lui succède ensuite Jeanne Grey sa cousine, puis Marie Tudor la fille d’Henri VIII et Catherine d’Aragon, qui elle aussi mourra en 1558

C’est ensuite au tour d’Elisabeth, la fille d’Anne de monter sur le trône. Elle deviendra une des reines les plus célèbres d’Angleterre, et les plus puissantes du monde. Pour éviter toute ingérence dans les affaires de son pays, elle décida qu’elle ne se marierait jamais et resterait célibataire. Elle est également connue pour avoir fait décapiter sa cousine, la reine d’Ecosse Marie Stuart

Ainsi, si Anne a connu un destin funeste avant même d’avoir trente ans, la postérité a fait d’elle une martyre romantique. Elle apparaît dans d’innombrables productions culturelles notamment dans la série “les Tudors” en 2007 ou plus récemment en 2021 dans une mini série qui porte son nom.

Sources :

https://www.nationalgeographic.fr/search?q=elisabeth%20ière
https://www.nationalgeographic.fr/histoire/anne-boleyn-et-henri-viii-les-liaisons-dangereuses
https://www.universalis.fr/encyclopedie/anne-boleyn/
https://histoiresroyales.fr/histoire-anne-boleyn-epouse-henri-viii-execution/
https://www.rtl.fr/culture/culture-generale/royaume-uni-pourquoi-henri-viii-a-fait-accuser-anne-boleyn-d-adultere-7900197729
https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/les-tudors-anne-boleyn-et-henri-viii-lamour-qui-tue-80919.php
https://www.lepoint.fr/histoire/comment-henri-viii-avait-planifie-la-mort-d-anne-boleyn-25-10-2020-2397962_1615.php
https://www.universalis.fr/encyclopedie/marie-ire-tudor/
https://www.histoire-pour-tous.fr/biographies/3026-henri-viii-dangleterre-1491-1547-biographie.html
https://www.nationalgeographic.fr/histoire/henri-viii-liaisons-dangereuses-a-la-cour-des-tudors
https://museeduluxembourg.fr/fr/actualite/qui-est-henri-viii-tudor
https://www.universalis.fr/encyclopedie/edouard-vi/
https://www.nationalgeographic.fr/histoire/qui-etaient-les-six-reines-dhenri-viii