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Personnages historiques

Agnès Sorel, la première favorite de France

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À la fois adulée et jalousée par ses contemporains, Agnès Sorel s’inscrit comme la première favorite de l’Histoire de France, ouvrant la voie à Diane de Poitiers, aux marquises de Maintenon et de Montespan ou encore à celle de Pompadour. Charles VII fit de son amante une véritable première dame, offrant tout ce qu’il y a de plus luxueux à celle qu’il voyait comme la plus parfaite des femmes. Retour sur la vie de celle qui redéfinit le statut des maîtresses à la cour de France, et qui s’imposa comme un personnage illustre du Moyen-Âge. 

Agnès Sorel, l’idéal féminin

La rencontre avec Charles VII 

Fille de Jean Sorel, seigneur de Coudun, près de Compiègne, et de Catherine de Maignelais, Agnès Sorel naît en 1422, dans la petite noblesse picarde. De son enfance, on sait peu de choses, si ce n’est qu’elle est une jeune femme très intelligente, qui a reçu une éducation des plus complètes. 

Agnès Sorel est âgée d’une vingtaine d’années seulement quand elle rencontre le roi Charles VII, vers 1444. Lui est âgé de quarante ans, et c’est au détour d’une visite du beau-frère du roi, René d’Anjou, par ailleurs fils de Yolande d’Aragon, que les futurs amants se rencontrent. 

Charles VII est un peu disgracieux, mais c’est un roi confiant, d’une majesté assez naturelle et à l’éloquence subtile. Il tombe instantanément sous le charme de la demoiselle d’honneur d’Isabelle de Lorraine, épouse du roi René. Il faut dire qu’Agnès Sorel a tout pour elle : les yeux bleus, les cheveux blonds, la peau d’une pâleur presque immaculée, le front large et une poitrine d’une rotondité parfaite, qu’elle sait souligner par ses décolletés. 

Agnès Sorel, une femme à la beauté sublime

vitrail Agnes Sorel
Vitrail d’Agnès Sorel à Loches

Elle est d’une beauté flamboyante, conforme à tous les critères de l’époque, incarnant à la fois la sensualité par sa taille et ses formes ravissantes, mais aussi la pureté par son innocence et sa virginité. Agnès Sorel se pose comme un idéal féminin, une perfection que le pape Pi II décrira même comme “le plus beau visage jamais vu”, portant en elle la liberté et la piété, l’ambition et la générosité. 

Son aura à faire pâlir les plus grands rivaux de Charles VII, inquiétera évidemment, en premier lieu, sa femme Marie d’Anjou. Elle a déjà passé la quarantaine et loin d’être aussi envoûtante qu’Agnès Sorel, elle vit dans le deuil des enfants qu’elle a perdus, de sa mère et de son frère. On dit d’elle qu’elle était vilaine, et les moqueurs de l’époque ragotent qu’il aurait suffi qu’elle se retourne et regarde les anglais dans les yeux pour que la guerre s’arrête. Alors que sa vie est déjà morose, elle doit supporter l’irruption de cette nouvelle rivale beaucoup trop belle, lorsque Charles VII s’arrange pour qu’Agnès Sorel soit attachée à sa propre femme. 

Agnès Sorel, maîtresse du roi Charles VII 

Un roi fou amoureux 

portrait de Charles VII par Fouquet
Portrait de Charles VII par Jean Fouquet

Même s’il est fou de désir pour elle, Charles VII fait les choses dans les règles de l’art : il courtise Agnès Sorel à la manière des chevaliers, en respectant l’amour courtois. Pour lui, le coup de foudre remonte à leur rencontre en 1444, et depuis, son émoi ne fait que grandir, nourrissant une histoire d’amour qu’il veut voir avec plus d’ampleur. 

Charles VII n’a jamais vraiment connu la passion ; il n’accorde guère confiance aux femmes depuis sa terrible enfance, où le cruel manque d’affection de sa propre mère fit de celle de sa femme, une tutrice. Marie d’Anjou, avec qui il a grandi et qu’il a épousé en 1422, vit dans une profonde et constante mélancolie, réfrénant les sentiments et ardeurs de son mari. 

Agnès Sorel devient l’amante de Charles VII 

Maintenant qu’elle assure la compagnie de son épouse, Charles VII a l’occasion de voir Agnès Sorel régulièrement. Ils se retrouvent dans les parcelles carrées du jardin de Loches, cadre bucolique où Charles VII lui conte fleurette et la couvre de tendresse.  

Malgré les efforts du roi, la jeune femme, au début, lui résiste. Certes, il manie bien les mots et fait preuve d’attention et de sensibilité, mais elle n’est pas amoureuse de lui. En fin de compte, c’est un peu sous la pression de ses proches et sans avoir vraiment le choix, qu’elle se fait à cette idée et se donne toute entière à lui ; elle s’attachera finalement et en tombera amoureuse également. 

Une liaison affichée 

couple Agnes Sorel et Charles VII
Le couple Agnès Sorel et Charles VII

Maintenant qu’il a gagné le cœur d’Agnès Sorel, le roi veut clamer son amour haut et fort, et surtout au grand jour. Il offre à sa concubine tout le luxe que l’on peut imaginer à l’époque, et celle qui n’était qu’une dame de compagnie voit sa vie bouleversée. Le roi risque d’être accusé de bigamie ; mais qu’importe, Agnès Sorel le suit à table, dans le lit, et même au conseil

Elle n’est pas une simple amante cachée, mais est devenue une femme d’influence que le roi met sur un piédestal, et devant qui il faudra bientôt s’agenouiller. Tout cela provoque un véritable tapage chez les courtisans, car aucun descendant de Saint-Louis n’avait encore osé affirmer un tel adultère ; certes les précédents souverains avaient des maîtresses en secret, mais jamais de favorite officielle

La vie faste à la cour de France 

Un quotidien luxueux pour la favorite du roi

Agnes Sorel portrait
La Dame de Beauté, Jean Fouquet

Pour celle dont il est épris, Charles VII met les petits plats dans les grands. Il couvre Agnès Sorel de cadeaux et lui offre des terres au fil des années. Elle se fait d’abord attribuer le manoir de Beauté où est mort Charles V, et que l’on considère comme le plus beau château d’Ile-de-France. Cette nouvelle propriété lui vaudra d’ailleurs le surnom de “Dame de Beauté”, un surnom qui convenait parfaitement à cette figure de magnificence absolue. 

Agnès Sorel a droit à un quotidien luxueux, couverte de joyaux et portant à son cou les plus belles parures. Ses quartiers, mieux arrangés que ceux de la reine, sont installés à côté de ceux du souverain, et des services royaux lui sont rendus comme si elle eut occupé le trône. Georges Chastelain, historiographe et chroniqueur du XVe siècle, dira qu’on lui réservait “plus beau parement de lit, meilleure tapisserie, meilleurs linge et couvertures, meilleure vaisselle, meilleures toques et joyaux, meilleure cuisine et meilleur tout”. 

Agnès Sorel,  icône de mode 

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Les supposées toilettes d’Agnès Sorel

Se prélassant dans ce luxe effréné, Agnès Sorel revêt les plus belles et coûteuses robes à la cour de Charles VII, sous les conseils de Jacques Coeur. Elle qui a conscience de ses atouts, dévoile son décolleté et sait mettre en valeur la sensualité de son corps si parfait. Ses tenues foncièrement inédites, délaissent les couches épaisses pour laisser un voile fin dessiner ses courbes, lançant une véritable mode qui se propagera dans tout le royaume. 

Son bustier délacé laissera s’échapper un sein, instant immortalisé par le peintre Jean Fouquet qui en fera son portrait, d’ailleurs premier portrait officiel, devenu absolument incontournable. Il y représente Agnès Sorel en figure de Vierge, et surtout en femme puissante décorée de tous les attributs royaux. C’est un splendide tableau connu de la favorite.

C’est une image très forte pour l’époque, puisque celle qui occupait le statut de “pécheresse” pour un ancien temps, est désormais admise au rang de figure sacrée ; un dialogue paradoxal qui se traduit également dans les scènes d’enfer et de paradis qui ornent le tableau. L’œuvre de Fouquet sera tellement appréciée que Charles VII demandera aussi son portrait au peintre, renforçant le lien qui l’unit à sa favorite ; d’autant plus qu’un dessin préparatoire d’Agnès a été découvert sur la surface initiale du bois, liant à jamais dans les deux amants. 

Agnes Sorel portrait par Fouquet
Portrait d’Agnès Sorel en Vierge par Jean Fouquet

L’amitié Jacques Coeur et Agnès Sorel 

Si de telles complaisances sont accordées à Agnès Sorel, c’est principalement grâce au commerçant et marchand de tissus Jacques Coeur. Il est un grand financier, et, bien que simple fils de commerçant à la base, il réussit à amasser une fortune colossale. Il habille Agnès Sorel, à la manière d’un créateur de mode, et lui fournit les plus belles soies et pierres précieuses. Lui, a établi des comptoirs partout en Méditerranée, et c’est un véritable homme d’affaires, bien que ses pratiques soient parfois à la limite de la légalité. Il use (à outrance) du tampon royal afin d’échanger de l’or et de l’argent avec les pays de Levant. 

Jacques Coeur est très proche d’Agnès Sorel, et être dans les petits papiers de la favorite, certifie la protection de l’argentier et le rend quasi intouchable. Il réussit à rentrer dans Rome et s’assure le soutien du Pape Nicolas V, se retrouvant chargé du transport des pèlerins sur les Terres Saintes. Le financier s’enrichit de plus en plus, mais une telle fortune, ajoutée à une certaine arrogance, inquiètent le roi.

Jacques Coeur
Portrait de Jacques Coeur

Agnès Sorel, une femme jalousée

Une cour pleine de haine

Si certains l’adorent pour le vent de jeunesse et de fraîcheur qu’elle a su apporter au royaume, d’autres en revanche la dédaignent profondément. Sous prétexte de bonnes mœurs et d’un souci de décence, les railleries et les injures éclatent à la cour du roi, et celle qui est vue comme une parvenue se fait descendre au rang de “ribaude”, ou bien même de “reine de la puterie”. 

Ses privilèges et ceux concédés aux proches de la favorite attisent l’envie et la jalousie. Les militaires, par exemple, ne supportent pas les cadeaux qu’on lui fait, et les pensions versées à sa famille plutôt qu’à la leur. Les courtisans, eux aussi, grognent de la place trop importante qu’occupe celle qui ne devait partager, à la base, que le lit du roi. En effet, elle prend maintenant part à la vie politique, et se mêle aux affaires du royaume. Agnès Sorel contribue à faire de Charles VII un roi victorieux, et sert la France de quelque manière qu’elle peut,  bien décidée à venir à bout des Anglais, comme Jeanne d’Arc quelques années plus tôt.  

Mauvaise entente avec Louis XI

portrait de louis xi
Portrait de Louis XI par Jacob de Littemont

S’il y a bien d’autres affaires qui sont impactées par l’arrivée d’une femme dans la vie d’un homme comme Charles VII, ce sont les affaires de famille. Louis XI, qui n’a qu’un an de moins qu’Agnès Sorel, a une haine féroce envers elle en dépit de leurs bons débuts, et ne supporte pas l’influence qu’elle a sur son père. Lors d’un repas de famille à Chinon, une lourde dispute éclate, et le Dauphin adresse des propos injurieux à la favorite. Le ton monte de plus en plus, et Louis XI tire son épée, menaçant Agnès, qui s’enfuit en courant et se réfugie dans le lit du roi. Le Dauphin range son fer, mais son père est en rogne et le condamne à l’exil

Louis XI jure de se venger à la fois du roi et de ceux qui lui sont proches ; dans son viseur, Agnès Sorel. C’est un homme assoiffé de pouvoir qui avait déjà compromis ses relations avec sa famille, en conflit avec son père depuis longtemps. De plus, Marie d’Anjou donne naissance à Charles de France, deuxième héritier mâle de la lignée ; Louis XI a peur que la succession ne change et se réfugie à Grenoble. 

Une cousine envieuse 

Antoinette de Maignelais, la cousine d’Agnès Sorel, va également se mettre en travers de sa route. Elle arrive à la cour en tant que dame de compagnie pour la favorite ; Antoinette a du charme, elle est malicieuse, mais ce n’est pas un puits de vertu. Charles VII n’y est pas insensible, et la cour, en particulier Agnès Sorel, s’attend à n’importe quoi. Après tout, Antoinette de Maignelais a bien été capable de mettre des jeunes filles dans le lit du roi pour réveiller son désir. Elle est une femme jalouse, cupide, qui ne cherche qu’à prendre la place d’Agnès Sorel et devenir la nouvelle maîtresse officielle du roi. 

Les dernières heures d’Agnès Sorel 

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Gisant d’Agnès Sorel à Loches

À l’automne 1449, Agnès Sorel est enceinte de son quatrième enfant, mais cette grossesse l’inquiète. Elle a déjà donné trois filles à Charles VII, et la peur que son corps ne change et prenne les marques de la vieillesse lui pèse terriblement ; elle craint le déclin et que le roi lui échappe. 

Toutefois, une autre angoisse l’envahit quand elle reçoit, à la fin de l’année 1449, trois lettres anonymes qui annoncent l’assassinat du roi de France. Elle veut l’avertir et, enceinte de sept mois et en plein hiver, rejoint Charles VII à Jumièges, en Normandie. Sa santé se détériore petit à petit et elle perd l’enfant, soit d’une fausse couche, soit peu de temps après l’accouchement. 

Au-delà de ça, Agnès Sorel souffre d’ascaridiose, une invasion de vers dans les intestins, maladie assez courante au XVe siècle et dont les douleurs sont insupportables. Le seul remède à l’époque est un traitement au mercure, qu’on lui administre à fortes doses pour calmer les maux. 

Elle souffre le martyr et se tourne vers Marie-Madeleine, figure de la pécheresse pardonnée, à qui elle a souvent été associée. Agnès Sorel obtient l’indulgence et la miséricorde du pape, assurant son salut et son entrée au paradis. La dame de Beauté s’éteint à 18h précises le 9 février 1450, et prononcera dans son dernier souffle : “Peu de choses aussi sale et puante que notre fragilité”, conclusion à la vie d’une femme adorée et dévouée pour celui qu’elle aimait, et dont la réputation s’est vue décomposée par l’avidité des autres.  

Une mort mystérieuse 

Une absorption massive de mercure 

La mort d’Agnès Sorel fut relativement rapide et inattendue, levant un certain nombre de soupçons sur sa disparition. Il faut attendre 2004 pour que le médecin légiste Philippe Charlier étudie les restes d’Agnès Sorel et conclut à une absorption massive de mercure, d’un taux 10 000 à 100 000 fois supérieur à la normale.

Les questions qui se sont posées par la suite ont été la cause de cet empoisonnement : était-ce un empoisonnement volontaire ? Une erreur de dosage du remède contre les vers ? Un traitement post-accouchement ? 

Et si on avait assassiné Agnès Sorel ? 

Dès le XVe siècle, sa mort rapide soulève l’hypothèse d’un assassinat, surtout pour une femme qui était sujette à tant de jalousie et qui s’était faite des ennemis par-ci par-là. 

Louis XI est suspecté, lui qui avait juré se venger du roi et de ses proches, mais ces manœuvres sont assez vite démontées. Il adorait ses demi-soeurs, veillera d’ailleurs sur elles quand il sera roi ; et à cette époque-là, il n’était pas encore enclin aux complots, et n’avait pas la détermination dont il fera preuve une fois sur le trône. 

Un autre personnage est alors mis en cause : le financier Jacques Coeur. En 1450, il est encore à la faveur du roi et est parvenu au fait de sa puissance. Sa fortune est immense et lui se laisse aller à une vie de luxure inouïe ; seulement ses ennemis sont aussi de plus en plus nombreux. En 1451, une femme l’accuse d’avoir organisé la mort d’Agnès Sorel ; accusation douteuse car Jacques Coeur avait besoin de l’appui de la favorite du roi, et ils étaient relativement proches. Toujours est-il que Jacques Coeur est devenu trop riche et trop puissant. Charles VII décidera alors de l’évincer, ordonnant son arrestation après la supputation de ce meurtre qu’il n’a sans doute pas commis, et le fera condamner à mort pour d’autres faits. 

La sépulture d’Agnès Sorel 

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Initiales entrelacées d’Agnès Sorel et de Charles VII à Loches

La disparition de la “Dame de Beauté” a totalement sidéré la cour de France. Huit jours après le décès d’Agnès Sorel, le roi de France fait ériger à Jumièges une statue en marbre blanc de sa favorite sur une dalle de marbre noire, sa maîtresse tournée vers la Vierge, avec l’inscription suivante aposée sur le monument : “Ici repose dans sa tombe une colombe pure et simple”. La sépulture, à force de déplacements, disparaîtra et le corps de la défunte sera déplacé à Loches

D’Agnès Sorel, il ne restera que son gisant, réalisé d’après nature, gravant dans le marbre ce visage aux traits parfaits. Les couloirs du château de Loches seront, quant à eux, éclairés des rayons qui traversent les blasons et initiales entrelacées d’Agnès Sorel et Charles VII sur les vitraux

Les maîtresses royales iront en pèlerinage sur les reliques de celle qui est à l’origine du statut de favorite à la cour du roi de France. Instaurant la figure de la féminité parfaite et de la sensualité, Agnès Sorel sut s’imposer tant dans la vie privée de son amant que dans la vie politique du royaume, servant la France comme une véritable première dame. Ses contemporains retiendront ses privilèges et sa vie de luxe ; l’Histoire son influence et son affirmation en tant que femme. Devenue personnage de légende, elle vivra éternellement dans les figures de Diane de Poitiers ou les multiples maîtresses de Louis XIV ; et sa beauté quasi sacro-sainte, dans le portrait qu’en a fait Fouquet ou le marbre de sa tombe. 

Sources

– CHAMPION Pierre, La Dame de Beauté : Agnès Sorel, Éditions H. Champion, 1930
– FERRAND Franck – Podcast “Agnès Sorel” Franck Ferrand raconte… 
– Secrets D’Histoire – “Agnès Sorel, première des favorites”