les templiers
Personnages historiques

Les templiers : entre histoire et légende

Accueil » Personnages historiques » Les templiers : entre histoire et légende

La simple évocation de l’ordre des templiers attire souvent l’attention . Cette organisation religieuse et militaire, créée au XIIème siècle fascine autant qu’elle effraie. L’histoire des templiers a subit le temps qui passe : on raconte sur eux beaucoup de choses, qui tiennent la plupart du temps de la légende. Qu’en est-il réellement ? Partons ensemble à la découverte de cet ordre mystérieux.

Les templiers : une origine méconnue 

La première croisade, un contexte favorable à leur création

Les templiers la première croisade
Godefroy de Bouillon et les chefs de la première croisade
Illustration de Charles Laplante pour L’Histoire de France

Au XIème siècle, la vie canoniale adopte la règle de Saint Augustin : les moines travaillent désormais dans les hôpitaux et s’engagent dans la vie de leurs paroisses. L’Eglise catholique, désireuse de recouvrir les pleins pouvoirs en Terre Sainte, lieu de naissance du Christ, encourage les chevaliers de l’époque à devenir des “milites christi” (chevaliers du Christ) et à aller combattre en Terre Sainte.

En 1095, le Pape Urbain II lance la première croisade car il veut protéger les pèlerins qui prennent la route vers Jérusalem et qui se font régulièrement attaquer et piller. Il veut également assurer protection et sérénité aux chrétiens qui vivent en Orient. Le pape demande ainsi à tous les peuples catholiques d’Occident de se rallier à sa cause : ceux qui partent combattre en Terre Sainte sont marqués du signe de la croix, d’où le nom de “croisés”. Cette première croisade est une réussite : le 15 juillet 1099, Godefroy de Bouillon reprend Jérusalem avec ses troupes chrétiennes.

Dans ce contexte, Hugues de Payns, futur instigateur de l’Ordre du Temple, se rend pour la première fois en Terre Sainte en 1104 avec le comte Hugues de Champagne. Ils y reviennent en 1114 avec plusieurs chevaliers pour protéger le tombeau du Christ.

En 1115, Hugues intègre les milites sancti sepulcri, les chevaliers chargés de la protection du Saint Sépulcre. Une idée jaillit alors : créer une milice, qui ne serait chargée que de la protection des chanoines de l’ordre du Saint Sépulcre et de celle des pèlerins se rendant à Jérusalem


La fondation de l’ordre du temple

Les templiers la fondation de l ordre
Portait d’Hugues de Payns 1841
huile sur toile, Musée National des châteaux de Versailles et de Trianon

En 1118 à Jérusalem, sept chevaliers se regroupent autour d’Hugues de Paynes et de Godefroy de Saint-Omer pour créer la milice des pauvres chevaliers du Christ et du temple de Salomon. Elle se donne pour mission de protéger les pèlerins d’Occident qui souhaitent rejoindre Jérusalem, mais aussi de défendre le trésor du Saint-Sépulcre. 

Pour survivre et mener à bien leurs missions, les pauvres chevaliers du Christ ont besoin de l’aide de personnes influentes. Ainsi, Beaudoin II, alors roi de Jérusalem, leur octroie une partie d’un de ses palais à l’ancien emplacement du temple de Salomon. De même, Fouque, comte d’Anjou, sera leur premier mécène. 

Saint Bernard impose définitivement leur légitimité au sein de l’Eglise catholique en les encensant dans son traité “De laude novae militiae”. Il est séduit par le mélange de vie chevaleresque et monastique que prône l’ordre.

En 1127, pour gagner toujours plus de soutiens, Hugues de Paynes embarque pour l’Occident afin d’attirer l’attention du Pape Honorius II et de Bernard de Clairvaux. Cette mission doit remplir trois objectifs :

– donner une règle à suivre à la milice
– donner une légitimité à ses actions
– permettre de recruter de nouveaux membres et recevoir plus de dons

Hugues de Payns commence ainsi une tournée de propagande dans toute la France, passant notamment par l’Anjou, le Poitou et la Normandie.

En 1129, il participe au Concile de Troyes en compagnie de nombreuses personnalités prestigieuses comme les archevêques de Reims et de Sens, le comte de Champagne ou encore Guillaume II, le comte de Nevers. Le concile de Troyes reconnaît la légitimité de la milice des pauvres chevaliers du Christ : l’Ordre du Temple est ainsi fondé et se dote de sa propre règle.

Les templiers : un ordre bien établi

La règle de saint Benoît

les templiers saint Benoît
Portrait de Saint-Benoît
Source : Sanctis

C’est Bernard de Clairvaux qui est chargé de rédiger une règle propre à l’Ordre du Temple. Il s’inspire grandement de la règle de Saint Benoît, en faisant quelques emprunts à la règle de Saint Augustin. La règle de Saint Benoît promeut une vie monastique en suivant l’oeuvre de Dieu. Elle est également basée sur l’humilité, la prière et l’obéissance. Ne pouvant totalement convenir à une vie de combattant, elle a tout de même été adaptée à la vie guerrière et active des chevaliers de l’Ordre. 

Une organisation hiérarchisée

Lorsque qu’Hubert de Payns meurt en 1136, Robert de Craon le remplace à la tête de l’Ordre et pose les bases de son organisation. Il commence par obtenir des avantages :  l’Ordre est notamment exempt de la dîme. De même, il possède ses propres prêtres. Les moines templiers dépendent du maître de l’ordre local mais pas de l’évêque.

Trois catégories de moines templiers se distinguent : les combattants, les chapelains et les frères, qui s’occupent des choses matérielles.

L’ordre du temple est hiérarchisé : dans chaque pays est désigné un maître qui dirige l’ensemble des commanderies. Tous étaient sujets du maître de l’Ordre, désigné à vie par treize des plus hauts dignitaires de cette organisation. Il supervisait à la fois les efforts militaires de l’Ordre en Orient et ses possessions financières en Occident.

La majorité des frères de l’ordre du temple assurent la protection des pèlerins vers la Terre Sainte et le cheminement de richesses en l’Orient et l’Occident.  

Les fratres conjugati, frères mariés, portent un manteau noir ou brun avec la croix rouge pour les distinguer des frères célibataires. Les frères servants sont marchands, car incapables de combattre en raison de leur âge ou d’une infirmité. Quelques frères se consacrent aux opérations bancaires. Les décisions du maître de l’ordre sont soumises à l’approbation d’une assemblée de hauts dignitaires, appelée Chapitre.

Tous les frères doivent obéissance et discipline militaire à leur communauté. Même aux plus hauts échelons, ils n’ont aucune fortune personnelle. Ils mangent de maigres repas et leurs habits reflètent leur fonction. Seuls les moines chevaliers portent le blanc, les autres portent des capes noires ou brunes. Lors de sa dissolution 183 ans après sa création, l’Ordre du Temple a vu 23 grands maîtres se succéder à sa tête. 

Les templiers sont présents dans une grande partie de l’Orient et l’Occident. Ils possèdent deux types de patrimoines bâtis : des monastères appelés commanderies situés en Occident et des forteresses situées au Proche-Orient et dans la péninsule Ibérique.

La croix, signe distinctif des templiers 

Les templiers la croix
Croix des templiers

Les templiers portent sur leurs vêtements une croix reconnaissable entre toutes : une croix rouge qui indique l’appartenance des Templiers à la chrétienté. La couleur rouge rappelle le sang versé par le Christ. Cette croix exprime aussi le vœu permanent de croisade à laquelle les Templiers s’engagent à participer à tout moment, lors de leur entrée dans l’Ordre. C’est Robert de Craon, deuxième grand maître, qui en fait un emblème des templiers. En plus de leur croix, il y a une célèbre devise des templiers : « Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tu da gloriam« .

Les templiers, un ordre aux missions variées

La défense de la Terre-Sainte, première mission des templiers

Les templiers défense de la terre sainte première mission
Robert de Normandie au siège d’Antioche par Jean-Robert Dassy

La première mission des templiers est la défense des pèlerins se rendant en Terre Sainte et la protection du Saint Sépulcre ( tombeau de Jésus ). En effet, le pèlerinage jusqu’à Jérusalem, très en vogue à l’époque, dure plusieurs années et il faut parfois parcourir plus de 12 000 kilomètres aller-retour à pied et en bateau pour parvenir à la terre natale du Christ. Les templiers sécurisent les routes qui mènent à Jaffa, à Jérusalem et celles qui longent le Jourdain. 

Ils peuvent également être appelés en appui des armées royales pour une nouvelle croisade, ce fut le cas en 1147, lorsque le roi Louis VII a attaqué les montagnes d’Asie mineure lors de la deuxième croisade. Pendant la troisième croisade, les frères chevaliers ont également assuré l’avant et l’arrière garde de l’armée du roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. Pour en savoir plus sur les croisades, découvrez mon article sur chronologie et dates des croisades.

Exceptionnellement, les templiers peuvent aider un roi en difficulté financière en renflouant les caisses de son pays, ou en payant les grosses rançons demandées pour des prisonniers. 

Le recrutement de nouveaux membres

Les commanderies doivent assurer de façon permanente le recrutement des frères et ce, le plus largement possible. Ainsi, n’importe quel homme de toute condition sociale peut prétendre à être reçu s’il répond aux critères exigés par l’Ordre. Il n’y a pas de période d’essai et le candidat doit avoir conscience qu’il fait don de lui-même et que par conséquent, aucune motivation pécuniaire n’est possible. 

Les principaux critères sont les suivants :

  • Être âgé de plus de 18 ans (article 58 de la règle) 
  • Ne pas faire partie d’un autre ordre (article 670) 
  • Ne pas être endetté (article 671) 
  • Être en parfaite santé mentale et physique (article 672) 
  • N’avoir soudoyé personne pour être reçu dans l’Ordre (article 673) 
  • Ne pas être excommunié (article 674).

En cas de mensonge, l’aspirant frère est immédiatement renvoyé

Le transport maritime

les templiers transport maritime
Source : Pinterest

Les templiers, qui voyagent régulièrement entre l’Orient et l’Occident, font construire leurs propres bateaux, qu’ils utilisent pour le transport de marchandises ou qu’ils louent à des marchands. Ils installent des bastions dans les plus grands ports d’Europe, notamment à Gênes, Pise ou Venise, leur permettant d’être souvent exonérés de taxes sur les marchandises. 

Chambrier du Pape

Au milieu du XIIIème siècle, les templiers accèdent à une fonction très prestigieuse dans le catholicisme : celle de chambrier du Pape. Intendant, confident, garde du corps mais aussi domestique, le chambrier exerce plusieurs missions au plus près du pouvoir suprême. C’est le Pape Alexandre III qui le premier, fait appel à un templier pour être son chambrier. Giacomo de Pocalpalea, chevalier de l’ordre du temple, sera celui de 4 papes différents.  

Chute et fin d’un ordre controversé

Une chute progressive

 la chute
Illustration du bûcher des templiers
Source : cath.ch

Le 28 mai 1291, les croisés perdent Saint-Jean-d’Acre à l’issue d’un siège sanglant. Les chrétiens sont alors obligés de quitter la Terre sainte et les ordres religieux et militaires tels que les Templiers doivent également quitter les lieux. La maîtrise de l’Ordre est déplacée à Chypre, mais une fois expulsé de Terre sainte, avec l’impossibilité de la reconquérir, la question de l’utilité de l’ordre du Temple se pose au sein des royautés européennes.

Le roi de France Philippe le Bel s’intéresse alors au trésor des templiers. Ils sont à cette époque, approximativement 15 000 dans le monde, dont 2000 en France. Le roi se réunit avec ses légistes, pour trouver un moyen de faire tomber les commanderies françaises. Il s’appuie également sur le témoignage d’un ancien meurtrier, Esquieu de Floyran, qui partageait une cellule avec un ancien templier dans une prison, après une condamnation pour meurtre. Guillaume de Nogaret, conseiller du roi, le paie pour lui faire propager de fausses confessions, etendues lors de conversations avec son ancien compagnon de cellule : les templiers auraient renié le Christ, cracheraient sur la croix et auraient des relations charnelles entre frères.

Le caractère secret de l’ordre, et ses cérémonies mystérieuses complètent les éléments dont Philippe le Bel a besoin. Le vendredi 13 octobre 1307 à l’aube, tous les Templiers de France sont arrêtés dans leurs commanderies. Il fait inculper Jacques de Molay, grand maître et soixante de ses templiers pour hérésie et crimes calomnieux ( sodomie, profanation..). 

Le roi ne s’arrête pas là : il demande à tous les princes chrétiens d’Europe de faire arrêter les templiers présents sur leurs territoires respectifs. Tous refusent, craignant les foudres du Pape et par conséquent les foudres divines. Qu’à cela ne tienne, Philippe le Bel ouvre le procès des templiers, une des premières grandes affaires judiciaires internationales. 

Le procès des templiers

 le procès
Source : Régine Pernoud

L’ordre du temple étant avant tout un ordre religieux, il ne peut être jugé par un tribunal laïc. Philippe le bel demande à Guillaume de Paris, grand inquisiteur de France, de procéder à l’interrogatoire de 138 templiers. 

Afin d’essayer de protéger l’ordre du Temple des assauts du roi de France, le pape Clément V publie une bulle qui ordonne aux souverains européens d’arrêter les Templiers qui résident chez eux et de mettre leurs biens sous la gestion de l’Église. 

Le roi Philippe le Bel, pour impressionner le Pape, convoque en 1308, à Tours, des états généraux qui valident la condamnation de l’Ordre. Cela ne plait pas à Clément V qui veut entendre lui-même les templiers à Poitiers. 

Cinq des dignitaires de l’Ordre, dont Jacques de Molay sont emprisonnés à Chinon, et 70 autres sont envoyés à Poitiers pour y être interrogés par le Pape, qui délègue deux cardinaux pour prendre sa place et aller entendre les témoins à Chinon. Un parchemin, retrouvé en 2001 dans les archives secrètes du Vatican, indique que le pape Clément V a donné l‘absolution aux dirigeants de l’Ordre à cette occasion.

Le 12 novembre 1309 se tient une première commission pontificale à Paris, afin de juger l’Ordre en tant que personne morale. Tous les templiers arrêtés dans les évêchés sont alors contraints de témoigner devant la commission : un seul clame son innocence, tous avouent les faits reprochés sous la torture. 

Le concile de Vienne 

 le concile de Vienne
Le pape et le roi de France au concile de Vienne
Source : Les Amis de Vienne

Le 16 octobre 1311, dans la cathédrale Saint-Maurice de Vienne, trois choses sont à l’ordre du jour : le sort de l’Ordre, une éventuelle réforme de l’Eglise et l’envoi d’une nouvelle croisade. Philippe le Bel veut faire pression sur le Pape Clément V et envoie à Vienne des gens d’armes. 

Le 20 mars 1312, le Pape décrète, dans la bulle Vox in Excelso, restée célèbre, l’abolition définitive de l’ordre des templiers. Il décrète également que l’ensemble des biens des templiers seront légués aux hospitaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Enfin, il déclare que tous les templiers qui ont avoué ou été déclarés innocents se verront attribuer une rente pour vivre dignement. Pour les autres un seul châtiment : la peine de mort

La légende des templiers

Un trésor immense

les templiers trésor
Source : or en cash

Cette légende à propos des templiers est apparue essentiellement au XVIIIème siècle au sein des loges maçonniques. La richesse du temple est réelle, mais basée du XIIème au XIVème siècle sur des propriétés foncières. En effet, l’Ordre possédait des centaines de commanderies dans toute l’Europe et des forteresses en Orient. 

On ne sait presque rien du devenir du trésor monétaire des templiers lors de leur arrestation en 1307. Gérard de Sède, écrivain du XXème siècle, raconte que trois chariots remplis de pièces et autres trésors auraient eu le temps d’être évacués de Paris. Pour rejoindre l’Angleterre, ce convoi aurait fait un arrêt au château de Gisors, dans l’Eure, ancienne commanderie templière. En 1946, Roger Lhormoy, jardinier du château aurait découvert trente coffres en bois dans une crypte, mais le tunnel menant à celle-ci se serait écroulé. En 1964, le ministre de la culture André Malraux ordonne des fouilles au château, qui n’aboutissent à rien. 

De nombreuses théories émergent toujours d’un potentiel trésor présent dans les anciennes commanderies : au château d’Arigny, à la commanderie de Tomar. En 1998, la découverte d’un dépôt monétaire dans la commanderie de Payns relance ce mythe

Les templiers, à l’origine d’une malédiction ? 

Le dernier maître de l’ordre du Temple, Jacques de Molay, aurait maudit ses accusateurs lorsqu’il brûla sur un bûcher le 11 mars 1314. D’après Geoffroi de Paris, il se serait écrié : « Seigneurs, au moins laissez-moi rejoindre un peu mes mains et vers Dieu faire mes prières, car c’en est le temps et la saison : je vois ici mon jugement… Dieu sait qui a tort et a péché : et le malheur s’abattra bientôt sur ceux qui nous condamnent à tort. Dieu vengera notre mort !

Cette légende prendra en crédibilité au XVIème siècle, lorsque certains écrivains rappelleront que Philippe le Bel et Clément V sont morts la même année, en 1314. D’autres attribuent également la mort de Louis XVI à cette légende. 

Si l’histoire des templiers a été vectrice de nombreuses rumeurs et légendes, elle n’en reste pas moins un des temps forts du Moyen-âge. C’est également une histoire qui fait encore fantasmer notre époque : chaque année sont produits plusieurs romans et films qui parlent des templiers. Et qui sait ? Peut-être qu’un jour sera retrouvé le fameux trésor des templiers.