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Anne de Pisseleu, « la plus belle des savantes »

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Moins célèbre que sa contemporaine Anne Boleyn ( maîtresse puis épouse d’Henry VIII d’Angleterre ), Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, a été quelque peu boudée par les historiens qui préfèrent écrire sur d’autres favorite comme Diane de Poitiers ou Madame de Montespan. Elle a néanmoins joué un rôle crucial dans la vie de François Ier, et restera sa maîtresse jusqu’à sa mort en 1547 à l’âge de 52 ans. Carnet d’Histoire vous raconte la vie d’Anne de Pisseleu, surnommée par ses contemporains “la plus belle des savantes et la plus savante des belles”. 

Une jeunesse mystérieuse 

On ne connaît que peu de choses sur la jeunesse d’Anne de Pisseleu, si ce n’est l’endroit où elle a passé son enfance et ses débuts remarqués à la Cour de France

Anne de Pisseleu ou “La beille Heilly”

Anne de Pisseleu portait
Anne de Pisseleu
©Royal academy of art

Anne, née en 1508, est connue dans sa jeunesse comme “Mademoiselle d’Heilly”, lieu de sa naissance en Picardie. Son père, Guillaume, nommé seigneur d’Heilly en 1508 se marie trois fois et de ses unions naissent une douzaine d’enfants. Anne est issue de son second mariage avec Anne Sanguin, dont on ne sait rien. Elle a trois frères et sœurs biologiques parmi lesquels François de Pisseleu, évêque d’Amiens. 

Des débuts remarqués à la Cour 

En 1523, comme toute demoiselle respectable, Anne de Pisseleu fait ses débuts à la Cour en tant que demoiselle d’honneur de Marie de Luxembourg, comtesse douairière de Vendôme puis entre dans la maison de Louise de Savoie, la mère du roi de France François Ier. Un jour de 1524, la Cour s’installe à Bordeaux et c’est là, selon l’historien Paulin Paris, que François Ier aurait rencontré Anne de Pisseleu, alors qu’elle n’a que 16 ans. Le roi aurait loué “la douceur de sa conversation” et l’aurait trouvé “très belle”. 

Anne de Pisseleu devient maîtresse de François Ier

À partir de 1524, le roi François Ier délaisse son ancienne favorite, Françoise de Foix ( qu’il continuera tout de même “d’honorer” plusieurs fois par an), pour se concentrer sur sa nouvelle conquête Anne de Pisseleu, “la belle Heilly”. 

François Ier chavire 

François ier et Anne de Pisseleu
Tableaux représentant François Ier et Anne de Pisseleu
©Musée du Louvre ©Arte

En 1527, Anne de Pisseleu devient officiellement la favorite de François Ier. Même si Paulin Paris suggère qu’elle est consternée par le mariage du roi avec Éléonore d’Autriche, l’une des épouses de François Ier, elle se montre à une fenêtre à ses côtés, lorsque la nouvelle reine entre dans Paris en 1531, ce qui est une démonstration publique et délibérée de l’affection du roi. Après la mort de Louise de Savoie en septembre 1531, on casse sa maison, mais Anne est nommée gouvernante de Marguerite et Madeleine, les filles du roi, et garde par conséquent sa place à la cour.

Anne de Pisseleu épouse Jean de Brosse

Anne de Pisseleu Portait de Jean IV de Brosse
Jean IV de Brosse
©Denis Trente-Huittessan

Cependant, le roi ne peut décemment continuer à afficher comme sa favorite une femme de petite noblesse. Il décide donc de la marier en 1532 avec Jean IV de Brosse de Bretagne, dont la famille a perdu ses terres à cause d’une querelle avec Anne de Bretagne. 

Jean est nommé gentilhomme de la chambre et reçoit le duché d’Étampes en remerciement de ses services à la couronne ( en l’occurrence : le fait d’épouser Anne de Pisseleu pour que le roi puisse continuer de coucher avec elle ),  Anne devient donc duchesse d’Étampes. Plusieurs sources affirment que Jean de la Brosse aurait regretté cette faveur et que le mariage avec la belle Heilly lui est vite devenu insupportable. Pourtant dans les faits, il conserve très longtemps ses offices auprès du roi, ce qui permet de douter de cette théorie. 

Une affection payante 

Hôtel Anne de Pisseleu
carte postale représentant l’Hôtel d’Anne de Pisseleu à Étampes ©Léon Guibourgé

Le roi, passionné par les femmes et fou amoureux de la nouvelle duchesse d’Étampes, fait preuve de beaucoup, beaucoup de largesses envers elle : François Ier lui attribue souvent la propriété de biens confisqués à ses opposants. Jean Poncher, général des finances accusé de malversations en fait les frais : il est obligé d’accepter une transaction par laquelle François Ier peut donner Limours à Mme d’Étampes en juin 1538. Anne récupère aussi la seigneurie de Challuau, et hérite des domaines de Meudon, d’Augervilliers et de Dourdan.

La duchesse d’Etampes obtient également des faveurs pour sa famille. En 1534 son demi-frère Adrien est nommé gouverneur de Hesdin, son autre demi-frère Charles obtient un monastère et sa sœur Péronne est mariée avec un gentilhomme Picard de bonne famille.

Anne de Pisseleu femme politique

On rapporte qu’Anne de Pisseleu était victime de la réticence de ses contemporains, et Antoine du Verdier soutient en 1583 que François Ier la tenait tout simplement en haute estime « pour sa grâce et gaillardise » et que leurs relations en restaient là. Cependant, il est désormais avéré qu’Anne a eu une grande influence sur le roi, notamment entre 1535 et 1540. 

Son influence sur François Ier

Anne de Pisseleu film
Virginie Ledoyen en Anne de Pisseleu dans le film Diane de Poitiers
©Passion Films/FTV/Carole Bethuel

L’influence d’Anne de Pisseleu sur le roi commence en à la fin des années 1520 et devient certaine en 1540. Les ambassadeurs des pays voisins s’empressent autour d’elle, les uns la voyant comme une médiatrice convenable avec le roi, les autres comme quelqu’un de dangereux et capricieux. Ses détracteurs suggèrent que, bien qu’elle favorise l’alliance anglaise plutôt qu’impériale et qu’elle devienne plus tard une protestante avérée, elle joue un rôle essentiellement capricieux dans la politique de cour, changeant d’avis selon son humeur du moment

La domination de la duchesse d’Étampes sur le roi et la Cour est aussi prouvée par ses relations avec Marguerite de Navarre, la sœur de François Ier. Marguerite aurait même avoué au duc de Norfolk en 1540 qu’elle a dû demander l’intervention de Mme d’Étampes dans un conflit qui l’opposait au connétable. Marguerite lui dédie même son poème La Coche (1541-1542) et la duchesse est comparée à « un soleil au milieu des estoilles ». 

Anne de Pisseleu : une diplomate en puissance 

Anne de Pisseleu, n’en déplaise à ses détracteurs, était une négociatrice hors-pair.  Dès la fin des années 1530, il est évident qu’elle manie des négociations délicates. Elle a notamment des entretiens réguliers avec le nonce ( agent diplomatique envoyé par le Pape ), parce que la cour de Rome reste une clef des nominations ecclésiastiques qui sont très importantes pour sa famille et ses alliés. Par conséquent, il lui faut régulièrement demander des dispenses pour sa famille et des recommandations pour leurs intérêts.

En décembre 1538, elle a également un long entretien avec le nonce à propos du mariage entre Antoine de Bourbon et la petite-fille du Pape, Vittoria Farnese. La famille des Farnese y est favorable mais François Ier s’en méfie : elle suggère à la place d’Antoine son frère, le duc d’Enghien. Son avis sera entendu dans beaucoup d’autres affaires.

Diane de Poitiers et Anne de Pisseleu, concurrentes directes

Diane de Poitiers
Portait de Diane de Poitiers
©Gamma rapho

Diane de Poitiers était l’amie de François Ier et la maîtresse de son fils, le futur Henri II. La duchesse d’Etampes, de neuf ans de moins que Diane, est à l’apogée de sa gloire en 1537, c’est là que les querelles commencent avec elle.  Anne appelle sa rivale “la vieille édentée”, la “vieille ridée” avec de perpétuelles allusions à ses fausses dents et à ses faux cheveux. Chacune veut  plus d’influence que l’autre et joue des faveurs de son royal amant. 

En 1539, Anne sent croître l’influence de Diane de Poitiers, et s’oblige à protéger le troisième fils du roi, le prince Charles d’Orléans, qu’elle veut marier à la fille de Charles-Quint avec le duché de Milan ou les Pays-Bas pour dot. Elle s’assure ainsi un appui et une retraite à la mort de François Ier. Mais cela ne marche pas, Charles meurt avant que la duchesse d’Etampes n’ait pu s’assurer une fin paisible. 

Leur conflit est aussi religieux : Anne de Pisseleu est protestante, Diane de Poitiers fervente catholique. Toutes deux essaient de faire prévaloir leur religion à la Cour et auprès de François Ier et Henri II. C’est Diane qui finira par l’emporter à la mort de François Ier, en 1547, car Anne sera déchue de tout.

La chute vertigineuse de la duchesse d’Etampes

Les ascensions fulgurantes engendrent souvent des chutes vertigineuses et Anne de Pisseleu n’échappe pas à cette règle. La mort de François Ier amorce sa chute. 

La mort atroce de François Ier

Château de Rambouillet
Château de Rambouillet
©Carnet d’Histoire

François Ier connaît, à l’époque, de nombreux maux. On dit qu’il a la syphilis depuis des années, il traîne une tuberculose, une infection de l’urètre et une fistule à l’anus, qui l’empêche notamment de se soulager et de monter à cheval. Le roi tente de faire bonne figure, mais en mars 1547 il est cloué au lit au château de Rambouillet

Les médecins percent une énième fois ses ulcères et sa fistule, desquels découle du pus nauséabond, mais cela ne suffit plus : le roi se meurt. Le 29 mars, il prie la duchesse d’Etampes de partir, ce qu’elle refuse en s’écriant, à genoux “ Terre, Terre engloutis-moi !” mais est tout de même forcée de séjourner dans son fief de Limours. 

Le 31 mars le roi pousse son dernier soupir, actant la fin du rayonnement d’Anne de Pisseleu à la Cour de France et le triomphe de Diane de Poitiers. 

Anne de Pisseleu subit une disgrâce fulgurante

Victime, depuis la mort de François, d’une large révolution voulue par Henri II dans les premiers jours de son règne,  les relations entre le nouveau roi, sa favorite Diane de Poitiers et l’ancienne favorite de son père qui étaient mauvaises depuis longtemps se dégradent. Selon la tradition, Anne de Pisseleu est obligée de restituer les bijoux offerts par François Ier à la Couronne de France, bijoux qu’Henri II s’empresse d’offrir à Diane. 

Ses relations avec Charles Quint, que le roi trouve suspectes, lui valent ensuite un procès et un bannissement. Enfin, comme comble de la disgrâce, le duché d’Etampes lui est également retiré. 

Anne de Pisseleu meurt oubliée de tous

Jean de la Brosse est ensuite informé qu’il peut récupérer tous les biens de sa femme “pour le seul fait qu’il ait été cocu”. Henri, qui a tout de même promis à son père avant sa mort qu’il ne la ferait pas tuer, permet tout de même à son mari de la punir. Celui-ci enferme Anne dans un de ses châteaux, en Bretagne.

Elle mène une vie de plus en plus recluse. Au moment où elle fait son testament en 1580, elle réside avec une des filles de sa sœur, Marie de Barbançon. Elle n’a pas d’enfants ni du roi ni de son mari et meurt protestante, seule et oubliée de tous dans le domaine familial de la Heilly. 

Ainsi, si Anne de Pisseleu est quelque peu une oubliée de l’histoire de France, elle interroge sur la place des femmes au XVIème siècle : son rôle n’est pas compris et il est, encore aujourd’hui, difficile pour les historiens de trancher sur le réel rôle qu’elle a joué auprès de François Ier et dans l’histoire de France. On peut tout de même dire qu’elle est la première des grandes maîtresses en titre de la cour de France, avec un pouvoir politique réel.

Sources :

  • François Ier d’André Castlenot
  • François Ier de Jean Jacquart
  • Anne de Pisseleu duchesse d’Étampes, maîtresse et conseillère de François Ier de David Potter
  • http://cassius.e-monsite.com/pages/personnalites/anne-de-pisseleu.html
  • https://www.herodote.net/Bio/Pisseleu-biographie-UGlzc2VsZXU=.php
  • http://www.corpusetampois.com/che-20-desgardins1909rivalite.html