Qui étaient les paysans au Moyen Âge ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le Moyen Âge n’est pas une période sombre, et elle couvre près de mille ans d’histoire. C’est un pivot dans l’évolution de l’humanité. L’étude des paysans est en plein essor ces dernières décennies, alors que les puissants sont fréquemment mis en évidence dans les livres d’histoire. Mais connaissez vous réellement la vie, loin d’être singulière, de neuf personnes sur dix au Moyen Âge ?
Comment vivaient les paysans du Moyen Âge ?
Comprendre par les sources
Grâce à certaines sources, il nous est possible de dresser une esquisse de la vie paysanne médiévale. La plus importante est le polyptyque, un document de gestion foncière d’ensembles dispersés sur le territoire franc. Les polyptyques de Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Rémi de Reims sont ceux qui nous renseignent le mieux sur la composition des grands domaines, gérés par un grand seigneur ou une communauté religieuse. L’analyse des polyptyques, rédigés en latin par des agents seigneuriaux missionnés pour enquêter dans leur domaine, permet d’effectuer un tableau de la démographie paysanne.
Une autre source primordiale pour comprendre l’histoire des paysans du Moyen Âge est l’archéologie. Des fouilles de différentes natures peuvent être entreprises, permettant de multiplier les découvertes notamment mobilières et funéraires. Notez que l’essentiel des villages carolingiens se trouvent sous nos villages actuels, compliquant l’essentiel des fouilles.
La naissance des villages
La vie des paysans au Moyen Âge était rudimentaire. Le contexte du début de la période était celui de la structuration des villages, les habitats n’étaient que rarement regroupés. La notion de communauté a vite pris le dessus à partir de l’encellulement voulu par les seigneurs féodaux dans le but d’un meilleur contrôle sur leurs sujets.
L’habitat et l’alimentation paysanne
Être paysan au Moyen Âge signifie vivre dans l’insalubrité, la modestie mais avec un minimum de connaissances. En effet, les fouilles archéologiques ont permis de concevoir une reconstitution de l’habitat paysan. Les matériaux utilisés étaient simplistes, à savoir du torchis, un mélange de terre assemblée à de la paille pour dresser les murs, des toitures de chaumes et de pailles de blé. L’intérieur était souvent composé d’une unique pièce, où l’on n’hésitait pas à vivre avec ses bovins et chevaux, pour les protéger de tous nuisibles la nuit. Le mobilier était sommaire, à savoir un lit de paille, une table, un coffre. L’essentiel de la vie paysanne se pratiquait à l’extérieur.
L’alimentation des paysans était riche, composée des productions de la famille. Le plus souvent, il s’agissait d’une bouillie faite de pain et de légumes. La viande était aussi consommée, mais ceci était rare.
L’élevage et l’agriculture : être paysan au Moyen Âge
Vivre de l’agriculture
La vie paysanne était rythmée par le travail en extérieur. L’essentiel de l’activité paysanne est marqué par le travail de la terre, et la production de céréales telles que l’avoine et l’épeautre.
Cultiver nécessite l’appropriation de méthodes variées, comme l’assolement triennal qui consiste à faire une rotation des cultures chaque année sur les terres ainsi travaillées. L‘araire est le principal outil de travail pour le labour de la terre, tractée par des bœufs ou des chevaux en plus grand nombre selon la taille de l’exploitation.
Les paysans étaient placés, ou plutôt chasés, sur des terres au statut différent, selon le type d’exploitation. On trouvera dans les seigneuries des tenures, cultivées par des paysans libres, par opposition à la réserve, où le produit de la terre est en la possession du seigneur. C’est ainsi qu’est constitué le grand domaine seigneurial.
Face à une population croissante, de nombreux défrichements se sont mis en place entre le XIème et le XVème siècle pour gagner de nouvelles terres sur la forêt.
Les autres activités des paysans
La vie paysanne ne se résume pas qu’à la culture du sol. On devait s’occuper des animaux, les surveiller dans le finage. Une petite anecdote au passage, la méthode utilisée par les paysans du Moyen Âge était de clôturer les champs cultivés et de laisser en totale liberté les animaux dans le terroir. Il y a eu une division genrée des tâches, les femmes effectuaient les travaux textiles et d’élevage.
D’autres tâches étaient effectuées en forêt, dont on estimait la superficie selon le nombre de porcs qu’elle pouvait nourrir. Il s’agissait notamment du droit de chasser dans les propriétés du seigneur, ramasser les fruits, couper du bois. La forêt du Moyen Âge avait une allure bien plus aérée qu’aujourd’hui.
Des différences régionales étaient notables dans les modes de culture. On pouvait cultiver la vigne et certaines fèves dans les régions méridionales.
Dès le Xème siècle, les techniques agricoles évoluèrent considérablement. Il y eut l’apparition de nouveaux outils entre le Xème et le XIIIème siècle, comme le collier d’épaule pour les chevaux, la herse, puis la charrue qui remplace l’araire.
La vie sociale des paysans à l’époque médiévale
Vivre dans une société hiérarchisée
Les relations intra-familiales étaient dès cette période importantes aux yeux des paysans. L’archéologie a montré l’attachement fort des parents à leurs enfants, comme la démographie mise en lumière par les polyptyques.
Mais la vie sociale et économique était gouvernée par un seigneur, dont l’autorité était durant des siècles incontestable. Il y avait une certaine hiérarchie sociale dans le monde médiéval, les judices sont à la tête des domaines, organisent la vie économique, leur bon fonctionnement et leur bonne tenue. Le capitulaire de Villis montre aussi la hiérarchie sociale des petits officiers sans qui le domaine ne pourrait pas tourner, les maires, forestiers, palefreniers… Ces officiers ont une place essentielle dans le processus de polarisation de la société. Ils sont les médiateurs entre les “petits mondes” et le monde englobant, et ont un rôle dirigeant.
Devoirs et statuts sociaux des paysans
Les paysans du Moyen Âge peuvent avoir des statuts différents. Ils pouvaient être non-libres, souvent esclaves (servus), ou libres. Un alleutier est un paysan qui possède sa propre terre. Il arrive que des paysans détiennent des terres à la fois dans le domaine, et en dehors de celui-ci.
Un agent du seigneur, le prévôt, surveillait les paysans pour voir s’ils faisaient bien leur travail. Armé d’un bâton, il battait les mauvais paysans.
La vie paysanne était rythmée par des paiements d’impôts de toutes sortes. Il y a la dîme que les paysans payaient à l’Eglise, un versement de 10% de leur récolte. Ensuite, la corvée était un travail non rémunéré imposé par le seigneur aux paysans du Moyen Âge, qu’ils étaient libres ou non, les tâches pouvaient être par exemple le nettoyage des fossés, couper du bois de chauffage, l’entretien des routes et bâtiments de la seigneurie, labours et récoltes de la réserve. Les banalités étaient l’obligation au paysan d’utiliser les moulins, les pressoirs et les fours du seigneur. Cette utilisation était payante, ce qui assurait un revenu certain pour le seigneur. Enfin, la gabelle était une taxation du sel, alors essentiel pour la conservation des aliments !
Sources :
Balard.M, Genet.J.-P, Rouche.M. Le Moyen Age en Occident, Collection HU, 2017.
Feller, Laurent. Paysans et seigneurs au Moyen-Age. VIIIe-XVe siècles. Armand Colin, 2017.
Le Jan, Régine. La société du haut Moyen Age. VIe-IXe siècle. Armand Colin, 2003.