Charlotte de Belgique est une figure dont vous n’avez sûrement pas ou peu entendu parler. Cette contemporaine de Sissi l’impératrice était la femme de Maximilien, archiduc d’Autriche et frère cadet de François-Joseph, empereur d’Autriche. Si elle est née avec une cuillère en argent dans la bouche, dans une des familles royales les plus prestigieuses d’Europe, elle a pourtant vécu une vie rocambolesque et très compliquée, au point de finir sa vie complètement seule et en proie à la folie. Carnet d’Histoire vous raconte Charlotte de Belgique, pour le malheur et pour le pire.
Charlotte de Belgique, une enfant choyée
Charlotte naît en Belgique, au château de Laeken, le 7 juin 1840 et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a eu une enfance plutôt heureuse.
La petite dernière de la famille royale
Charlotte est la fille de Léopold Ier de Belgique et de Louise d’Orléans, couple régnant du royaume de Belgique. Elle a trois grand-frères, ce qui lui offre une place de choix dans le cœur de son père, qui l’adore et la gâte. Unie avec les familles royales de France et d’Angleterre par ses parents, elle passe beaucoup de temps à voyager en Europe, séjournant dans beaucoup de châteaux français, propriétés de la famille d’Orléans, mais aussi à Windsor, chez sa cousine la fameuse reine Victoria.
La mort de sa mère, un drame pour Charlotte de Belgique
Charlotte n’a que 10 ans lorsque sa mère meurt tragiquement de la tuberculose en 1850. Cet évènement va complètement la changer : elle qui était très énergique, joyeuse et sociable devient mélancolique et introvertie. Le roi Léopold, son père, décide de respecter les dernières volontés de sa femme et attribue l’éducation de Charlotte à la comtesse Denise d’Hulst, une dame issue de la noblesse française. C’est aussi un bon moyen pour lui de pouvoir courir le monde et les demoiselles : il délaisse complètement ses enfants.
Le roi Léopold, en homme très dur, impose aussi que ses enfants sachent parler plusieurs langues, soient très pieux et qu’ils subissent des sortes d’examen de conscience, des séances publiques où ils doivent avouer toutes leurs fautes et se remettre en question. Cette éducation, selon le roi des Belges, donnerait aux enfants le caractère nécessaire pour pouvoir régner sereinement.
Les prémices d’une dépression
Charlotte de Belgique apprend ainsi à parler couramment plusieurs langues : le français, l’anglais, l’allemand… Elle prie beaucoup, apprend beaucoup, lit beaucoup, ce qui en fait une demoiselle extrêmement cultivée. Mais ce peu de place pour les loisirs et le divertissement semble avoir raison de sa santé mentale. À 15 ans, elle montre une très grande mélancolie et elle est moralement très dure : elle cherche sans cesse à atteindre une sorte de perfection morale et physique et exprime même ses états d’âmes, arguant qu’à son âge, avec tout ce qu’elle apprend, la société lui paraît très insipide.
Charlotte de Belgique épouse l’Archiduc Maximilien d’Autriche
Charlotte de Belgique, en fille de tête couronnée, ne peut pas rester longtemps dans le giron de la Belgique. Elle est ainsi mise sur le marché du mariage très jeune, à 16 ans.
Deux prétendants rejetés
Nous sommes donc en 1856, Charlotte a 16 ans et deux jeunes hommes biens nés veulent l’épouser : le prince George de Saxe, fils de Jean Iᵉʳ et sa femme Amélie de Bavière, et Pierre V, futur roi du Portugal et duc de Saxe. Le premier n’a pas un pedigree assez prestigieux et il est vite mis sur le côté. Le deuxième, cependant, a les faveurs du roi de Belgique et de la reine Victoria herself. Mais il ne convient pas à Charlotte, car elle ne veut pas, à l’époque, devenir reine, considérant cette charge comme un fardeau trop lourd à porter.
Un coup de foudre pour Maximilien, Archiduc d’Autriche
Ce dégoût de Charlotte pour les couronnes ne va pas durer. Lors d’une réception à Bruxelles en mai 1856, elle rencontre le frère de l’empereur d’Autriche, Maximilien, qui lui fait chavirer le cœur : il a huit ans de plus, elle le trouve beau et intelligent et veut l’épouser. Le père de Charlotte, Léopold Ier, n’y voit pas d’inconvénient : il apprécie également Maximilien, fils de l’archiduchesse Sophie de Bavière. Le pacte est scellé et les deux tourtereaux sont fiancés quelques mois plus tard, le 23 décembre 1856.
Un coup de foudre à sens-unique
Si Charlotte est littéralement tombée folle amoureuse de Maximilien, en qui elle voit un grand homme avec un avenir prometteur, il semble que du côté de l’Autrichien, les sentiments ne soient pas les mêmes. Après sa rencontre avec Charlotte, il ne parle d’elle à personne. Il ne montre envers elle qu’un chaste respect et n’envisage ce mariage que parce qu’il est intéressant pour lui. Pire : il négocie le moindre centime de la dot de sa fiancée, pour amasser un pécule qui lui permettra enfin de s’acheter grands domaines et beaux tableaux. Il dira même d’elle “Elle est très intelligente, ce qui est un peu ennuyeux, mais sans doute y viendrais-je à bout”. Pourtant, Maximilien épouse Charlotte le 27 juillet 1857 à Bruxelles, un peu plus d’un an après leur rencontre.
Charlotte de Belgique, vice-reine d’Italie
Le mariage contracté par Charlotte permet d’asseoir la légitimité de la famille royale de Belgique, mais aussi de devenir vice-reine d’Italie, car Maximilien est nommé par son frère François-Joseph vice-roi de la Lombardie-Vénétie. Le couple réside au Palais impérial de Milan et à la Villa de Monza.
Mais les ennuis commencent après 2 ans de mariage, en 1859. Maximilien est jugé beaucoup trop laxiste et dépensier dans sa gestion de la Lombardie-Vénétie. Contraint de démissionner par son frère, le couple se réfugie dans un palais tout juste construit grâce à la dot de Charlotte, le château de Miramare. Cette nouvelle folie financière fait bondir Léopold II, le frère de celle-ci. Le couple va mal et s’éloigne petit à petit : pour tromper son ennui, Charlotte s’occupe comme elle peut en pratiquant beaucoup de sport comme la nage et l’équitation.
Lors d’un voyage à Madère à la fin de l’année 1859, Maximilien sombre dans une profonde tristesse, car c’est ici que sa précédente fiancée, Marie-Amélie du Brésil est morte quelque temps auparavant. Cet état d’âme rend Charlotte furieuse et très jalouse et elle vit séparée de son mari pendant trois mois.
Charlotte de Belgique Impératrice du Mexique
Menant une vie paisible à Miramar, Charlotte va voir son destin basculer grâce au nouveau dessein politique de Napoléon III.
Maximilien et Charlotte, pions de Napoléons III ?
Napoléon III, alors empereur de France, a de grands projets politiques : il veut, pour contrer la montée en puissance des Etats-Unis d’Amérique, créer un empire puissant en Amérique du Sud, qui serait latin et Catholique. En 1863, il envoie donc des émissaires pour demander à Maximilien de devenir empereur du Mexique. Réticent au début, l’archiduc se laisse convaincre et accepte. Cette nouvelle est pour Charlotte une grande joie : elle se sent investie d’une nouvelle mission : celle de ramener l’ordre et la prospérité en Amérique du Sud sous la bannière catholique des Habsbourg.
Vive l’empereur !
Le 10 avril 1864, Maximilien est nommé Empereur du Mexique sur son trône du Palais de Miramar. Mais il y a un hic : il n’est encore jamais allé dans ce pays et se croit, poussé par des émissaires douteux, adulé par les Mexicains et donc élu du peuple : ça n’est pas le cas. Le couple arrive à Mexico après un long périple en bateau le 12 juin 1864 et font directement de mauvais choix. Alors que les caisses nationales sont complètement vides et que l’empereur a promis d’y remédier, lui et sa femme font d’immenses dépenses pour rénover leurs résidences et palais et mener une vie de faste et de fête. Ils s’entourent d’une cour immense et édictent un cérémonial et une étiquette de plus de six-cent pages.
Ils assurent également à leurs proches restés en Europe que leur situation est idyllique, mais c’est faux : le couple royal se rend très vite compte que le pays est rongé par les insécurités, la pauvreté et la violence. Même s’ils apparaissent unis (Charlotte dirige le gouvernement et le pays quand Maximilien n’est pas là), ils n’arrivent pas à gouverner le pays et leur popularité est au plus bas après seulement quelques mois de règne.
Maximilien le tyran
L’empereur du Mexique prend parfois des airs de tyran. Reprochant à Charlotte l’absence d’enfants dans leur mariage, il décide d’adopter deux des petits-fils d’Augustin Iᵉʳ, l’ancien empereur, Agustin et Salvador. Ces deux enfants ont encore une mère, mais Maximilien force Charlotte a aller la voir pour les lui prendre et fait inscrire leur adoption dans un traité secret. Charlotte se voit contrainte de le faire malgré son refus et en gardera une profonde amertume. L’empereur ne sait également pas comment résoudre le problème des troupes rebelles, grandissantes dans le pays, et décide d’appliquer le principe de tolérance 0, tuant tous ceux qui s’opposeraient à lui. D’abord aidé par Napoléon III, l’empereur des Français décide finalement de retirer ses troupes peu à peu, voyant la situation dégénérer, laissant l’empereur du Mexique se débrouiller seul avec très peu d’appuis.
Charlotte de Belgique en ambassadrice
Charlotte prend alors la mer et retourne en Europe pour chercher du soutien. Elle est très mal accueillie à Paris, étant obligée de s’installer à l’hôtel et devant presque supplier Napoléon III de la recevoir. Il y consent avec dédain et la rencontre le 11 août 1866 à Saint-Cloud. Cette entrevue est un échec cuisant : l’empereur des Français ne veut rien savoir et prétexte avoir besoin de l’aval de ses ministres. Ceux-ci refusent ensuite d’accorder toute aide, qu’elle soit financière ou militaire au Mexique.
Charlotte se replie dans son château de Miramare, prenant soin de ne pas passer saluer ses proches en Belgique et en Autriche, les deux pays ayant mutuellement retiré leurs aides au Mexique. Il lui reste cependant une dernière chance : plaider sa cause à Rome auprès du Pape Pie IX. Celui-ci refuse d’aider le Mexique. L’impératrice aux aboies adopte alors un comportement très étrange : elle est persuadée qu’on veut l’empoisonner et s’habille exclusivement en noir : les médecins en concluent à un syndrome perpétuel de persécution, qu’elle a pu développer après le stress de son règne au Mexique.
Les difficultés deviennent cauchemar pour Charlotte de Belgique
Charlotte est séquestrée à Miramar et personne ne prend soin de lui révéler que son mari, Maximilien a été exécuté au Mexique. En juillet 1867, Léopold II, le frère de Charlotte envoie sa femme, la reine des Belges Marie-Henriette pour prendre des nouvelles de Charlotte, toujours recluse à Miramar. Elle la découvre dans un état déplorable, presque emprisonnée par sa belle-famille autrichienne. Elle parvient à négocier son rapatriement en Belgique.
Ce n’est qu’en janvier 1868, soit 6 mois après sa mort, que Charlotte de Belgique apprend l’exécution de son mari. Elle qui n’allait déjà pas bien sombre dans une dépression encore plus sévère. Elle se lance alors dans un culte de Maximilien, collectionne toutes ses affaires et se mure dans la solitude. Seuls quelques proches peuvent venir la voir, ainsi qu’un prêtre, elle reste sinon seule au château de Bouchout en Belgique. Elle alterne entre période de calme absolu et de silence et crise d’hystérie, cassant tout ce qui lui tombe sous la main.
Pendant la première guerre mondiale, elle ne voit plus personne, mais n’est pas inquiétée car Archiduchesse d’Autriche depuis son mariage avec Maximilien.
Elle finit par s’éteindre le 19 janvier 1927 après avoir contracté la grippe. Elle avait 86 ans.
Ainsi Charlotte de Belgique a eu une vie remplie de souffrance et de malheurs. Celle qui rêvait du prince charmant a tout donné pour l’homme qu’elle aimait, pour finir veuve, seule et délirante.
Sources :
– https://www.europe1.fr/emissions/dans-lintimite-de-lhistoire/charlotte-de-belgique-limperatrice-devenue-folle-4083147
-https://www.magazine-zelie.com/single-post/charlotte-de-belgique-imperatrice-du-mexique
– https://www.histoire-et-secrets.com/charlotte-de-belgique-chap-2-limperatrice-du-mexique/
– https://www.telepro.be/decouverte/lincroyable-destin-de-charlotte-de-belgique.html
– https://www.ca-valse-a-vienne.com/charlotte-de-belgique/