Rendue populaire par le livre “les Trois Mousquetaires” d’Alexandre Dumas et les films qui ont porté cette histoire, l’affaire des Ferrets de la reine n’en finit pas d’intriguer encore au XXIᵉ siècle. La reine Anne d’Autriche a-t-elle réellement eu une liaison avec le duc de Buckingham ? Ces “ferrets” ont-ils vraiment existé ? Plongeons ensemble au cœur de la cour de France du XVIIᵉ siècle et démêlons le vrai du faux sur cette histoire qui aurait pu faire chuter la reine de France.
Anne d’Autriche et Louis XIII, un mariage malheureux
En 1615, Anne d’Autriche, alors âgée de 14 ans, épouse Louis XIII, le roi de France, qui a le même âge qu’elle. À l’époque, le mariage n’a pour but que d’enfanter un héritier pour garantir la pérennité de la couronne de France. Aussi, les jeunes époux sont mariés depuis à peine quelques heures que les voilà dans la chambre à coucher, épiés comme il se doit par la reine Marie de Médicis et des courtisans, avides de savoir comment la nuit de noces va se passer.
Évidemment, et on peut aisément s’en douter, cette nuit est un cauchemar. On ne sait pas réellement ce qu’il s’est passé, toujours est-il que Louis XIII restera traumatisé de ce premier instant d’intimité avec sa femme, et ne repartagera sa couche que quelques fois. La reine fait plusieurs fausses couches, le roi est plus attiré par les hommes que par sa femme et les deux nourrissent des relations plus amicales qu’amoureuses.
Pour ne rien arranger, le cardinal de Richelieu, chef du Conseil du roi, qui a l’oreille du monarque, a une aversion profonde pour Anne d’Autriche. Cela, en plus de contrarier la reine, ne favorise pas les échanges entre les deux époux royaux. Le mariage de Louis XIII et Anne d’Autriche restera stérile d’enfant pendant 23 ans, avant que Louis XIV dit “Dieudonné” (on comprend aisément pourquoi) ne pointe le bout de son nez.
Les premières années à la cour de France sont difficiles pour Anne d’Autriche. Elle doit s’accommoder d’un mari distant, d’une belle-mère (Marie de Médicis) qui veut tous les pouvoirs, de l’apprentissage de la langue, de l’étiquette et des coutumes françaises. Elle n’a que peu d’amis et l’arrivée à la cour d’un ambassadeur du royaume d’Angleterre, le duc de Buckingham, ne va pas arranger sa popularité et ses affaires.
Une aventure entre le duc de Buckingham et Anne d’Autriche à l’origine de l’affaire des ferrets de la reine
L’affaire des ferrets de la reine a fait couler beaucoup d’encre, et beaucoup de rumeurs se sont propagées, sans que l’on puisse attester de la véracité des faits.
La rencontre entre le duc de Buckingham et Anne d’Autriche
Tout commence par une rencontre. Quelques années auparavant, le duc de Buckingham s’était rendu en Espagne pour une visite de courtoisie. Son œil a été piqué au vif par l’Infante, la belle Anne d’Autriche, une beauté pour l’époque : peau bien blanche, longue chevelure blonde, de jolies formes et de grands yeux. Las, elle était déjà promise au roi de France et l’affaire s’arrêta là. Quelques années plus tard, en France donc, Anne se sent seule. Elle s’entoure de proches aux intentions douteuses, notamment de la duchesse de Chevreuse, Marie de Rohan-Montbazon, une femme frivole qui n’est autre que sa surintendante. Sachant la reine délaissée, elle organise une rencontre entre la reine et Buckingham.
La rencontre d’Amiens, à l’origine de l’affaire des ferrets de la reine ?
Au printemps 1625, la reine Anne accompagne sa belle-sœur, la princesse Henriette-Marie, dans le convoi qui l’emmène à son futur époux, le roi Charles Iᵉʳ d’Angleterre. Le duc de Buckingham est bien évidemment du voyage, car en tant qu’ambassadeur du roi d’Angleterre, il se doit d’escorter sa future épouse jusqu’à son futur pays. La troupe fait une halte à Amiens, et la reine rencontre le duc dans les jardins de l’archevêché. Buckingham lui aurait fait une cour ardente, et selon une des dames de compagnies de la reine, Madame de Motteville, la reine aurait appelé à l’aide, importunée par les sentiments trop passionnés du duc.
La reine n’a donc jamais envisagé une seconde d’être infidèle à son époux. Pourtant, elle accepte les compliments de Buckingham et lorsque celui-ci quitte la cour, elle décide, en gage de pardon pour son comportement à Amiens, de lui offrir les ferrets en diamants (petite broche de métal, souvent ornée de pierres précieuses et rivée à l’extrémité d’un lacet, d’un ruban) qu’elle portait ce jour-là. Jusque-là, rien de grave. Oui mais : cette histoire arrive aux oreilles de Richelieu, l’ennemi juré d’Anne. L’affaire prend alors une autre tournure.
Le Cardinal de Richelieu et l’énigme des Ferrets de la Reine
Il faut comprendre qu’en 1625, le cardinal de Richelieu est l’homme le plus puissant de France. Louis XIII, encore très jeune, lui accorde toute sa confiance et le cardinal aime contrôler tout ce qu’il se passe dans le royaume. Il décide de lancer un complot contre Anne d’Autriche dans l’espoir de la faire répudier. C’est cette intrigue entre les deux qui inspirera le roman d’Alexandre Dumas, “Les Trois Mousquetaires” : si l’auteur prend quelques libertés historiques, la trame de fond est, elle, véridique.
Henri-Auguste de Loménie, duc de Brienne, en atteste dans ses mémoires. En tant que secrétaire d’Etat responsable du mariage d’Henriette-Marie avec Charles Iᵉʳ d’Angleterre, il a assisté à toute l’histoire. La duchesse de Chevreuse raconte, elle, qu’elle a été chargée de remettre les ferrets au duc de Buckingham, qui, pas très malin, décide de les porter lors d’un bal à Londres.
Richelieu disposait d’informateurs à la cour de Londres et pouvait notamment compter sur une femme, la comtesse de Carlisle, qui l’informait des moindres faits et gestes du roi d’Angleterre et de sa cour. Elle parvient à s’emparer de quelques ferrets lors de ce fameux bal, et les envoie immédiatement à Richelieu.
Lorsqu’il comprend qu’il a été volé, le duc de Buckingham comprend tout de suite ce qu’il se joue pour lui et pour la reine. Il demande à un joaillier de confiance de raccommoder le collier en y ajoutant les ferrets manquants, et renvoie le collier à la duchesse de Chevreuse, la priant de le restituer d’urgence à la reine Anne d’Autriche, de peur qu’il ne lui arrive malheur.
Le complot de Richelieu tombe à l’eau
Entre-temps, Richelieu prie de toutes ses forces le roi Louis XIII d’exiger de sa femme qu’elle porte les fameux ferrets. Il lui explique qu’elle ne pourra pas le faire, car elle les a offerts au duc de Buckingham en guide de preuve d’amour. Manque de chance pour le machiavélique cardinal : la reine a reçu les ferrets à temps et les a replacés dans son coffret à bijoux. Elle montre alors les ferrets au roi, qui, très en colère contre Richelieu, lui adresse de vives remontrances. Ce retournement n’est pas pour déplaire à Anne d’Autriche, qui se satisfait de la tournure que prend finalement cette histoire.
L’animosité et la rancœur entre le cardinal et la reine ne fera que croître au fil des années. Tentant une nouvelle fois de la discréditer, le cardinal l’accuse quelques années plus tard, en 1635, d’être agent double pour son frère, Philippe IV d’Espagne. Anne aurait trahi sa patrie en informant les Espagnols des intentions des troupes françaises dans la guerre qui oppose les deux pays. La tempête finit par se calmer pour Anne d’Autriche, lorsqu’en 1638 elle accouche enfin d’un garçon, mettant fin aux insécurités autour de sa personne.
Ainsi, les ferrets de la reine constituent une histoire qui a fait couler beaucoup d’encre. On ne saura jamais réellement si la reine a eu une liaison avec le duc de Buckingham. Quoi qu’il en soit, cette affaire des ferrets est à l’origine d’une des plus grandes œuvres de la littérature française et a contribué à la popularité de Dartagnans, Athos, Porthos et Aramis, les faisant entrer dans la légende des mousquetaires.
Sources :
– https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/anne-dautriche-laffaire-des-ferrets-de-la-reine-69512.php
– https://www.nationalgeographic.fr/histoire/les-trois-mousquetaires-et-les-ferrets-de-la-reine-ce-que-revelent-les-ecrits-historiques
– https://www.radiofrance.fr/franceculture/les-trois-mousquetaires-quand-dumas-transforme-une-anecdote-historique-en-epopee-romanesque-2360391