La petite vérole, également désignée sous le nom de variole, est une maladie contagieuse d’origine virale. Pendant des siècles, au même titre que les autres maladies plus terrifiantes les unes des autres, ce fléau a causé la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes jusqu’au XIXe siècle. Je vous en dis plus sur ce fléau, ennemi invisible qui a défié la médecine et la société.
La Petite Vérole : les symptômes dévastateurs qui marquent son empreinte
Avant de se pencher sur l’aspect historique de la maladie, allons à l’essentiel sur ce qui caractérise la petite vérole. D’abord, la contagion se produit uniquement par un contact d’homme à homme. La période d’incubation ne dépasse guère les deux semaines. La première phase est marquée par l’arrivée soudaine de fortes fièvres, des douleurs localisées et des vomissements réguliers.
Quelques jours après l’apparition des premiers symptômes, des taches rouges s’emparent du visage et de certaines parties du corps, d’une manière très locale. Chacune de ces tâches devient rapidement une vésicule dure au toucher, évoluant rapidement en pustule remplie de pus.
Des complications peuvent avoir lieu, générant parfois une septicémie et l’atteinte des organes vitaux. Les pustules dessèchent et laissent place à des croûtes brunes. Il existe d’ailleurs deux formes, la mineure, plus bénigne que la forme majeure, au taux de létalité bien plus élevé.
Histoire de la maladie à travers les âges et les siècles
Apparition et propagation sur Terre
Comme toutes les maladies, la petite vérole fait son apparition dans une localité précise avant de se propager, ou disparaître.
Le virus semble être apparu environ 4000 ans avant notre ère, probablement en Égypte. C’est la découverte de cicatrices sur des momies égyptiennes qui permet aux historiens d’affirmer que ce genre d’épidémie sévissait dans cette localité. Au début de notre ère, elle se propage vers l’Inde et la Chine. L’Europe à son tour connaît ses premiers cas dès le Ve siècle, la première mention dans les sources franques remonte au siècle qui suit dans le précieux témoignage de l’évêque Grégoire de Tours dans son Histoire des Francs.
L’Homme, au gré de son évolution et de ses conquêtes, a été confronté à de nombreux conflits – c’est le cas des croisades au Moyen Âge – engendrant des mouvements de populations. Soulignons également le commerce qui a déjà étendu d’anciennes maladies telles que la peste de Justinien. Le continent américain voit l’apparition des premiers malades après les grandes colonisations européennes des XVe et XVIIe siècles.
Le royaume de France est sévèrement touché par la variole au XVIIIe siècle où près de 90% de la population est contaminée. Les premières victimes sont les enfants, souvent plus atteints que les individus d’âge adulte. Mais ceci n’est pas toujours vrai, comme en témoignent les cas de Louis XIV, qui suit, et de son arrière-petit-fils Louis XV qui succombe à la petite vérole en 1774 au château de Versailles.
Novembre 1647 : Louis XIV est atteint par la petite vérole
La maladie n’effectue pas de sélection selon l’âge, le sexe ou le rang social de ses proies. La Cour de France n’est pas sans restes des ravages de la variole. Louis XIV, grand et illustre roi Soleil, alors âgé de 9 ans, est atteint de grandes douleurs aux reins le soir du 11 novembre 1647.
Le premier médecin du roi, François Vautier, intervient et diagnostique la petite vérole. Son cas s’aggrave au fil des jours, des saignées quotidiennes sont effectuées, mais les symptômes progressent. Un illustre médecin de Paris, Antoine Vallot, est appelé pour guérir Sa Majesté, il sera d’ailleurs Premier médecin du roi durant près de vingt ans.
Des crises délirantes et des pustules sur le visage se manifestent les jours qui suivent. Le roi est même pris d’une soif délirante, dont la prise d’un verre de calomel (chlorure de mercure) est parvenue à y mettre fin. Les symptômes du roi durent au total 18 jours, mais le jeune souverain parvient au grand soulagement de la Cour à s’en sortir et reprendre de la vigueur.
Des solutions pour éradiquer la petite vérole
Sous l’Ancien Régime, les grands médecins essaient divers remèdes se révélant inefficaces face à la progression de la maladie. La petite vérole tue des milliers de personnes, Paris en perd plus de 20 000 en 1723. Le taux de létalité peut dépasser les 50% dans les plus grandes épidémies.
La variolisation : une méthode audacieuse pour défier la petite vérole
Une méthode appelée variolisation consiste à inoculer du pus varioleux dans l’organisme d’un individu non contaminé. Cependant, cette pratique suscite de nombreuses critiques au siècle des Lumières où certains jugent qu’elle accentue la propagation du fléau.
Au début du siècle, une aristocrate anglaise, Lady Mary Wortley Montagu, se rend en Turquie et propage la méthode de variolisation qui n’empêche pas certaines personnes d’en tomber malade, voire d’en mourir.
Une autre méthode consiste à inoculer la variole des vaches, la vaccine, c’est ce qu’un fermier anglais a effectué sur sa femme et ses deux fils en pleine période d’épidémie en 1774. Il s’agit de Benjamin Jesty, considéré comme un des pionniers de l’expérimentation de la vaccination contre la variole.
Edward Jenner, un Britannique né en 1749, tente des expériences dans les campagnes anglaises. La variole de la vache peut être transmise à l’Homme, En 1796, Jenner prélève du pus sur une femme infectée par cette dernière. Le sujet de son expérience est le fils d’un proche, auquel il inocule la substance. L’enfant contracte la vaccine mais en guérit rapidement. Un peu plus tard, il est exposé à la variole, et ne développe aucun symptôme. Les bases de la vaccination sont là.
Louis XV a refusé toute sa vie de se faire inoculer la petite vérole. Il en est mort à l’âge de 64 ans dans d’atroces souffrances, marquant son petit-fils, le futur Louis XVI. De cette manière, le nouveau souverain décide de se faire inoculer au même titre que deux de ses frères, il est protégé de la variole à vie.
La Vaccination : une révolution médicale dans la lutte contre ce fléau
La pratique de variolisation ou vaccination de bras à bras prend fin dans les années 1880 en France. Des campagnes de vaccination obligatoire sont d’abord effectuées dans les colonies françaises. À la fin du XIXe siècle, la vaccination, en France, est rendue obligatoire aux écoliers, collégiens, lycéens et étudiants en médecine. En 1902, une loi rend la vaccination contre la variole obligatoire à trois reprises, aux âges d’un an, 10 et 21 ans. Cette obligation ne prend fin qu’en 1979.
L’éradication de la variole
La petite vérole cause encore des milliers de morts dans le monde au XXe siècle. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) met en place des mesures d’endiguement en isolant les individus contaminés. La petite vérole est déclarée éradiquée du globe officiellement en 1980 après un dernier cas en Somalie en 1977.
La petite vérole laisse des traces dans les sources
L’exemple des matricules napoléoniens
La forte proportion de Français contaminés par la petite vérole au cours du XVIIIe siècle n’est pas sans conséquences. Il est possible, à l’aide de certaines sources souvent négligées des passionnés d’Histoire, de retrouver les traces de ses épouvantables ravages. C’est le cas des archives militaires, dont font partie les matricules des soldats de la Grande Armée. Ces hommes, enrôlés par millions dans l’Empire français et autres pays voisins, sont tous nés dans ce siècle des Lumières.
Les registres des matricules renseignent les caractéristiques physiques de chaque soldat : taille, couleur des yeux et des cheveux, formes du visage… Mais aussi des marques particulières remarquables sur les nouveaux conscrits. Dans beaucoup de cas, on peut lire la mention “petites véroles”, qui réfère aux nombreuses traces laissées par les pustules sur le visage de ces jeunes hommes ayant contracté la variole dans leur enfance.
Sources :
Cabanès, A, Fléaux des temps jadis, 2019.
Mémoire des hommes, Registres matricules des sous-officiers et hommes de troupe de l’infanterie de ligne (1802-1815), 123e régiment d’infanterie de ligne.
Vallot, A, d’Aquin, A, Fagon, G.-C., Journal de la santé du roi Louis XIV de l’année 1647 à l’année 1711, 1862 (éd.).