La nuit des Longs Couteaux désigne plusieurs jours d’horreurs subies au sein de l’Allemagne nazie. Adolf Hitler voit sa popularité qui ne cesse de croître. La nuit des Longs Couteaux, véritable tragédie politique, demeure une période emblématique où le pouvoir et la vengeance se sont entrelacés dans les ténèbres, laissant une marque indélébile sur la mémoire collective. Retour sur les premiers massacres commis par les nazis, bien avant la Seconde Guerre mondiale.
Pourquoi la nuit des Longs Couteaux s’est-elle produite ?

La SA (Sturmabteilung), c’est quoi ?
La Sturmabteilung, terme qui signifie sections d’assaut, désigne une organisation paramilitaire créée par le parti national-socialiste allemand : le parti nazi. Ce groupe est créé en 1921 par l’initiative de Hitler. La SA, dirigée par Ernst Röhm, monte en puissance et rassemble des centaines de milliers d’hommes, que l’on surnomme alors les « chemises brunes ». Ces derniers sont essentiellement des anciens soldats en désaccord avec le traité de Versailles de 1919. Ainsi se forme une armée puissante, bien supérieure à 100 000 adhérents, contrairement à ce qu’avait indiqué le traité post-Première Guerre mondiale. L’objectif originel est d’éloigner les opposants du parti nazi lors des réunions. Mais rapidement, les actions de la SA deviennent de plus en plus violentes.
Hitler et les choix cruciaux à faire

À partir du 14 juillet 1933, le seul parti politique toléré dans le pays est celui des nazis. La Sturmabteilung amplifie ses actes de violence et de torture envers les opposants aux idées nazies, et à des personnes innocentes dans les rues de Berlin. Peu à peu, Hitler souhaite réduire la puissance et le monopole détenus par la SA. Le groupe perd le contrôle des premiers camps de concentration. Ernst Röhm appelle à une révolution pour la mise en place de réformes socialistes et anticapitalistes radicales.
La nuit des Longs Couteaux : une nuit d’horreurs
L’assassinat de Röhm



La SA a pris une telle ampleur qu’elle compte plus de 4 millions de membres. Hitler, pourtant très proche de Röhm, commence à changer d’opinion à son propos. On craint alors l’imminence d’un coup d’État qui serait mis en place par Röhm et son armée.
Alerté par de nombreux faux rapports lui confirmant que Röhm va mener un putsch menaçant, Hitler décide de passer à l’action. Le Führer planifie la « purge » de cette milice paramilitaire. Bien que les responsables de la SA prévoient de se réunir à Bad Wiessee le 29 juin 1934, Hitler confie à la Schutzstaffel (SS) dirigée par Himmler de s’y rendre pour effectuer l’épuration.
Dans la nuit du 29 au 30 juin, Hitler pénètre dans la pension Hanselbauer où sont réunis les dirigeants de la SA. C’est la nuit des Longs Couteaux. Armé d’un pistolet, le chancelier allemand fait arrêter Röhm en personne et une majorité de chefs de la SA. Röhm est conduit à la prison de Stadelheim à Munich, où Hitler l’incite à se suicider. Le 1ᵉʳ juillet, Theodor Eicke, du camp de concentration de Dachau, et Michel Lippert, commandant de la garde du corps tuent Ernst Röhm dans sa cellule.
Une nuit de purge de la SA

Le 30 juin, pas moins de 60 dirigeants de la SA sont rassemblés dans une même pièce. Hitler dresse une liste de six d’entre eux à exécuter. À la prison de Stadelheim, 30 sont détenus. Le même jour, à Berlin, des assassinats sont commis, Herbert von Bose, directeur de la division presse de la vice-chancellerie, figure parmi les victimes. Karl Ernst, le chef de file de la SA à Berlin, est également exécuté à Berlin. Goebbels et Göring échangent par un entretien téléphonique sur la mise en place de nouveaux meurtres dans toute l’Allemagne.
Les détenus de Stadelheim sont fusillés dans la cour de la prison par un peloton d’exécution en fin de journée du 30 juin. La traque des leaders de la Sturmabteilung se prolonge jusqu’au 2 juillet dans toute l’Allemagne.
La série d’assassinats ne s’arrête pas aux grands de la SA. En effet, Hitler décide que d’autres de ses opposants doivent être arrêtés et exécutés par la SS et la Gestapo, la police secrète d’État. Sont visés des membres de l’Action catholique tels que Erich Klausener leur chef. C’est aussi le cas du dirigeant de services de renseignement de l’armée allemande, von Bredow. Kurt von Schleicher, homme politique, en fait malheureusement partie.
Bref, la liste est longue, et les profils des exécutés sont tous différents, dont le seul point commun est de nuire à la montée en puissance et aux valeurs du parti nazi.
Le bilan dévastateur et les conséquences de la nuit des Longs Couteaux

Une nuit de meurtres sans précédent
Le bilan de la nuit des Longs Couteaux est difficile à établir en raison de la destruction des preuves par Hermann Göring le 2 juillet. Mais on estime à 200 le nombre d’individus assassinés par les nazis. À cela s’ajoutent un millier de prisonniers envoyés en camps de concentration dont l’essentiel est relâché.
Les Allemands ainsi que l’essentiel de la presse réagissent positivement par rapport aux assassinats perpétrés contre les “traîtres” lors de la nuit des Longs Couteaux.
Les conséquences de la nuit des Longs Couteaux
Le 3 juillet, Hitler fait adopter une loi qui couvre tous les actes perpétrés lors de la nuit des Longs Couteaux, pour la lutte contre la trahison et pour la sûreté de l’État. La SA a été décimée de ses têtes pensantes, le mouvement s’affaiblit et perd l’essentiel de ses membres. A contrario, l’armée des SS gagne en popularité et voit ses effectifs s’élargir. Hitler a ainsi montré à quel point la fureur des nazis peut s’abattre sur les opposants au parti. L’armée est désormais ralliée au Führer. Ces événements sont un tournant pour le triomphe de Hitler, et représentent une étape dans la construction du totalitarisme.
Sources :
Chauvet, D, Hitler et la Nuit des longs couteaux : la Sturmabteilung décapitée, 2016.
Gallo, M, La nuit des Longs Couteaux 29-30 juin 1934, 2020.
Philippon J, La nuit des Longs Couteaux : histoire d’une intox, 1995.