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Personnages historiques

Quand les frères Lumière inventèrent le cinéma : Lumière, moteur, action !

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Les frères Lumière relèvent le défi d’animer les images, défi qui tournait à l’obsession chez les industriels après les exploits de la photographie. À l’aide de leur cinématographe, les deux lyonnais réussissent à projeter une image animée sur un écran, permettant à plusieurs spectateurs de la regarder en même temps. Ainsi naît le cinéma, une espèce de communion des regards qui se concentrent sur la pellicule finement imprégnée d’instants filmés. Véritables pères de Tarantino ou de Scorsese, de Jean Gabin ou De Funès, le septième art n’aurait pu exister sans les frères Lumière, qui ont mis en marche leur propre révolution technologique, et ouvert une nouvelle ère de l’industrie. 

Les frères Lumière, deux industriels lyonnais

L’entreprise familiale des frères Lumière

antoine lumière
Antoine Lumière et ses inventions. Source : Institut Lumière

Les frères Auguste et Louis Lumière naissent respectivement en 1862 et 1864 à Besançon, avant de s’installer à Lyon au vu de la menace de la Prusse qui pèse sur l’Est. Leur père, Antoine Lumière, est un industriel passionné d’art, mais à fort caractère. Il se captive pour la poésie, la peinture, la chanson, et surtout les inventions, intérêts qui lui tiendront à cœur de transmettre à ses fils.

Arrivé à Lyon en 1870 avec sa famille, Antoine Lumière y ouvre un studio de photographie, secteur où les affaires étaient plus que florissantes à ce moment-là. Il se tient informé des progrès en la matière, et sait que les hommes de science et d’industrie n’ont plus qu’une seule idée en tête : animer les images. Il veille tout de même à la réussite de ses fils et leur offre une formation à la Martinière, qui représente le plus grand lycée technique de Lyon.     

La ferveur expérimentale

Les frères Lumière ont cette étincelle scientifique, ce génie technique qui leur voue une certaine facilité à concevoir. Ils intègrent la Martinière, mais souffrent tous les deux de terribles maux de tête, qui leur empêchent l’accès à Polytechnique. Ils ne se laissent pas abattre et se retrouvent plongés dans les pellicules et appareils photographiques dans l’usine de leur père.

Le jeune Louis, à 17 ans, assure la fortune familiale par la création de l’Étiquette bleue, plaque sèche qui permet la photo instantanée, améliorant les travaux de Monckhoven. La famille investit alors dans un immense terrain à Montplaisir, en banlieue de Lyon, où une avenue leur sera d’ailleurs dédiée en 1955. 

Les frères Lumière et l’exploit de la projection

Les prémices de Thomas Edison 

Thomas Edison
Thomas Edison

Poussés par leur père qui suit l’actualité et les travaux d’un certain Thomas Edison, les frères Lumière commencent à se pencher sur les images animées. Ce scientifique américain, à qui l’on doit l’ampoule électrique, a inventé en 1891 une machine dans laquelle il est possible de visionner une image animée : le kinétoscope. C’est à travers un œilleton que l’on pouvait regarder la pellicule tourner, certains exemplaires à caractère bien particulier, avec des bobineaux destinés uniquement aux hommes. 

Seulement voilà, l’image est réduite, et la machine, payante par-dessus le marché, n’est accessible qu’à une personne à la fois. La file d’attente et le monnayeur à l’entrée, pour ne visionner que quelques secondes de film dans un petit appareil, commencent à agacer. C’est en cela que le père Lumière flaire le potentiel commercial qui se cache derrière ce kinétoscope : et si on arrivait à projeter cette image pour que plusieurs personnes puissent la regarder en même temps ? 

Le cinématographe, appareil révolutionnaire des frères Lumière 

cinématographe lumière
Cinématographe des frères Lumière

Ironie ou signe du destin, la solution se trouve dans la lumière. En 1894, les frères Lumière, à peine âgés d’une trentaine d’années, conçoivent leur cinématographe, qui conjugue image animée et projection sur écran. C’est le système parfait : une manivelle à tourner qui fait se dévider un film dans la boîte, une lampe à arc à l’arrière qui traverse la pellicule et permet la projection sur un écran. La toile est tirée et les images du 35 mm défilent devant Auguste et Louis. Les deux scientifiques se sont appuyés sur le principe de la machine à coudre : la pellicule suit un mouvement alternatif, c’est-à-dire un va-et-vient vertical plutôt qu’une rotation. 

Au-delà du jargon technique, le premier film de l’Histoire voit le jour. Les frères Lumière capturent la sortie de l’usine à l’heure du déjeuner, ayant demandé aux employés de s’endimancher pour l’occasion. La seule direction d’acteur, c’est de ne pas regarder la caméra ; certains ne peuvent pas résister, fascinés par l’appareil qui se trouve dans l’embrasure du hangar. 

Le cinéma lancé par Auguste et Louis Lumière

La première projection à Paris

Sortie d'Usine Lumière
Sortie de l’usine Lumière à Lyon

Les frères Lumière ont réussi leur pari dans leur petit atelier de Lyon. Il faut désormais présenter leur découverte à la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale de Paris, et c’est le 22 mars 1895 qu’ils projettent “Sortie d’Usine” devant leur tout premier public. L’engouement s’était créé autour du kinétoscope, que certains spécialistes connaissaient et avaient testé. C’est toute la crème de l’industrie qui est présente et qui assiste à ce qui constitue la vraie révolution du cinématographe : le visionnage, ensemble, d’un même spectacle. Parmi eux, Léon Gaumont qui, comme les autres, en ressort subjugué et voit s’ouvrir devant lui une nouvelle ère de progrès, une nouvelle aventure technologique. 

Les frères Lumière ouvrent le cinéma au public

L’idée est validée et brevetée, l’appareil amélioré, et le 28 décembre 1895 se tient la toute première séance de cinéma. Boulevard des Capucines, au Salon indien du Grand café de Paris, la projection s’ouvre au public. 33 spectateurs paient leur billet pour assister à la présentation de dix “Vues”, comme les nommaient les frères Lumière, entre autres : La Sortie de l’Usine Lumière à Lyon, Le Jardinier (L’Arroseur Arrosé) ou encore La Mer (Baignade en mer). Le succès est fulgurant et ces séances se font rapidement connaître dans toute la ville ; le café multiplie les horaires et les visiteurs, allant jusqu’à 2 500 personnes par jour

Les critiques sont optimistes : on s’imagine déjà démocratiser le système et en faire profiter les particuliers, qui pourront prendre sur le vif des instants du quotidien. C’est une réelle barricade face à l’éphémère qui se crée, puisqu’on peut désormais immortaliser la vie dans un mouvement, une action ou un geste, moment à jamais archivé et imprimé sur la pellicule. 

cinématographe Lumière
Cinématographe Lumière. Source : BnF

Les frères Lumière, la voie du cinéma 

L’odyssée industrielle   

Scientifiques avérés et fleurons de l’industrie française, les frères Lumière n’en restent pas moins des artistes. Par leurs prouesses technologiques, ils inaugurent un nouveau pan de l’Art en inventant le cinéma, dans sa qualité de réalisation, de mise en scène et de jeux de caméra. Dès la présentation de leur invention, les propositions d’achat du cinématographe bouillonnent, mais les frères Lumière gardent la main sur leur concept, quitte à seulement le prêter, faisant appel à des concessionnaires

Le réseau se développe, et les premiers réalisateurs du monde entier nourrissent les programmes de projection, sans avoir besoin de nécessairement faire appel à des distributeurs. C’est une industrie qui évolue très vite, en constante effervescence, et les séances de cinématographe sont sur le déclin dès le début du XXème siècle. Les projections des frères Lumière prennent fin en 1901, et la dernière édition du catalogue des Vues Lumière, qui est par ailleurs une simple réédition du carnet de 1905, se termine en 1907. L’entreprise des frères Lumière se spécialisera par la suite dans la production de pellicules, ce qui maintiendra un lien unique avec le cinéma. 

L’héritage des frères Lumière 

En souvenir de cette épopée, les frères Lumière laissent une série de premiers films longs de seulement quelques secondes,dont le plus célèbre sera certainement l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat. C’est un défilé historique, des curés aux femmes de ménage, en passant par les bourgeois et leurs fanfreluches, tous débarquant d’une locomotive à vapeur. On aborde une société à part entière, flattée par les progrès de l’industrie ; un témoignage documentaire des habitudes d’une époque, capturées sur du 35mm. 

L’Atelier Lumière de Lyon est devenu un véritable lieu de pèlerinage pour les plus grands cinéastes, Clint Eastwood confessant d’un ton quasi solennel “Alors tout ça, c’est de ta faute !”, les yeux rivés sur le hangar où tout est né. Si Hollywood leur doit tout, les frères Lumière se posent comme pères de la modernité, ouvrant la voie à l’innovation, du cinéma sonore en 1927 avec The Jazz Singer au Technicolor dans les années 40. 

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Sur le plateau de Boulevard du Crépuscule, Billy Wilder, 1950

Après une vie à servir les arts et sciences, Louis s’éteindra en 1948, Auguste en 1954, laissant derrière eux des milliers d’images imprégnées sur la surface photosensible de la pellicule. Les hommages aux frères Lumière se multiplieront, eux qui ont fait la grammaire du cinéma, du principe même de projection à l’élaboration de courts métrages, contribuant largement au rayonnement international de l’ingénierie française. 

SOURCES 

Rubrique Première Projection Publique, site du gouvernement 
Site internet de l’Institut Lumière 
Gallica, BnF