Les Borgia
Personnages historiques

Les Borgia : intrigues et scandales d’une famille controversée

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La dynastie Borgia est une famille originaire d’Espagne ou plus précisément de Valence, qui a posé sur l’Italie des XVᵉ et XVIᵉ siècle son empreinte très controversée. Ses protagonistes ont été Pape, cardinaux, militaires et avaient en commun un attrait certain pour le meurtre, le scandale, le sexe et les intrigues politiques. De nombreuses rumeurs ont circulé sur eux, certaines à la véracité douteuse. Néanmoins, les Borgia continuent de fasciner et d’interroger, encore à notre époque, en témoignent les nombreux livres, bandes dessinées, films et séries à leur sujet. Carnet d’Histoire vous raconte les Borgia, de leur ascension fulgurante à leur chute vertigineuse

Les Borgia, des origines.. espagnoles

Bien qu’ils aient majoritairement vécu en Italie, et notamment à Rome, les Borgia sont originaires du royaume de Valence en Espagne et plus précisément de la commune de Borja, d’où ils tiennent leur patronyme (“Borg” signifie tour en arabe). Cette famille de juristes ne côtoie pas à l’origine les plus hautes sphères du pouvoir : c’est grâce à leur sens de l’intrigue et à leur intelligence qu’ils arriveront au sommet. 

Du royaume de Valence à l’Italie

Calixte III
Portait d’Alonso de Borja
©curieusehistoire

C’est Alonso de Borja qui, le premier, se fait un nom et sort du lot grâce à Alphonse d’Aragon, roi héréditaire du royaume de Sicile. Ce dernier veut partir à la conquête de l’Italie et plus précisément du royaume de Naples. Pour ce faire, il demande à Alonso Borja, alors juriste comme dit précédemment, de l’aider à gérer juridiquement le royaume de Naples.

Alonso se révèle être un communicant et un diplomate hors pair et pour le remercier de ses bons et loyaux services, il est fait Cardinal par le Pape Eugène IV en 1444. C’est à ce moment-là qu’il italianise son nom en “Alfonso Borgia” et pose la première pierre d’une ascension qui attendra les sommets.

Alfonso Borgia devient Calixte III

Quelques années après avoir obtenu la cape de cardinal, Alfonso voit une opportunité de gravir l’ultime échelon qui le sépare du pouvoir suprême : Nicolas V, pape pendant huit ans, est mort et il lui faut un successeur. Les négociations fusent et c’est finalement Alfonso, qui a choisi de rester neutre par stratégie, qui est élu Pape à 76 ans, le 8 avril 1455.

Comme tout Pape Borgia qui se respecte, il a un enfant, François, qu’il élève au rang de cardinal de Cosenza et il fait profiter sa famille de beaucoup de largesses, proposant également la cape de cardinal à son neveu, Rodrigo Borgia. Alfonso meurt finalement peu de temps après son accession au trône papal, trois ans après. 

Rodrigo Borgia et sa descendance, entre luxure et décadence 

Les Borgia Alexandre VI
Portait de Rodrigo Borgia, le Pape Alexandre VI

Dans la famille Borgia je demande ensuite le neveu, Rodrigo, cardinal parachuté généreusement en Italie par son oncle. Calixte III lui permet non seulement de bénéficier d’une éducation exemplaire, mais aussi d’accéder à plusieurs fonctions dans l’Église et ceux malgré son jeune âge. Il est notamment fait cardinal à 25 ans, puis vice-chancelier de l’Église romaine (un poste à très haute responsabilité).

Rodrigo Borgia, fin stratège et intrigant hors pair 

Quand son oncle rend son dernier soupir en 1458, il est trop jeune pour prétendre à l’élection pontificale. Pourtant, il sait qu’il peut avancer ses pions sur l’échiquier petit à petit, sournoisement, jusqu’au moment venu. Il est notamment nommé par Sixte IV légat en Castille, puis chargé de protéger les reliques de Saint-Antoine depuis la Grèce jusqu’au Pape. Rodrigo se construit ainsi un réseau de bons amis auprès des cardinaux, qu’il rince de ses largesses pour préparer son ascension au trône pontifical.

Un homme qui collectionne les femmes

Vanozza et Giulia
Portraits de Vanozza Cattanei et Giulia Farnese, les deux grands amours d’Alexandre VI

Lorsqu’il est élu Pape en 1492, il use des mêmes stratagèmes que son oncle. Nespotique, il favorise sa famille et notamment ses quatre enfants : César, Giovanni, Lucrèce et Geoffroi. Quatre enfants qu’il a eu avec Vanozza Cattanei, une femme d’affaires romaine qui tient plusieurs “auberges” ( ou maison close on ne sait pas très bien ). Il assume, comme son oncle avant lui, avoir commis le péché de chair et avoir des enfants. Il a également d’autres enfants de plusieurs maîtresses différentes et une liaison de plusieurs années avec la belle Giulia Farnese, sœur du futur Pape Paul III, qui a 15 ans alors que lui en a soixante. 

Un Pape conquérant

Les borgia arbre
Arbre généalogique des descendants de Rodrigo Borgia
©RaphaëlCarrasco

Rodrigo Borgia est aussi un conquérant. Il ne se contente pas des terres du Saint-Siège et veut sans cesse agrandir ses possessions et son pouvoir. Et pour ce faire, il utilise ses enfants. César l’ainé d’abord, qu’il érige en cardinal pour avoir une taupe au sein des cardinaux (un article lui est dédié ici) et qu’il envoie en émissaire auprès des rois européens comme Louis XII qui octroie à ce dernier le titre de duc de Valentinois.  Il nomme également Giovanni, son deuxième fils gonfalonier, c’est-à-dire chef du gouvernement et qui est son bras armé. Ce dernier est finalement assassiné et César le remplace, envahissant une partie de la Romagne qui tombe sous le joug papal.

Pour Lucrèce, Rodrigo a d’autres plans. Sa beauté et sa richesse en font une candidate idéale pour un beau mariage et de belles alliances. C’est ainsi qu’il la marie une première fois en 1493 avec Giovanni Sforza, fils du duc de Milan, pour s’assurer la protection de Milan : mariage qu’il annule, car il préfère s’allier avec le roi de France Louis XII contre les Sforza. En 1497, Alphonse d’Aragon, duc de Bisceglie, une province d’Italie, est choisi pour épouser la belle. Ce mariage ne durera pas : César, le frère de Lucrèce, le fera assassiner par son homme de main. Enfin, en 1501, Alexandre VI vend sa main à un ultime mari : Alfonse Iᵉʳ d’Este, duc de Ferrare, moyennant une dot de plus de 100 000 ducats. 

Geoffroi est lui marié à Sancia d’Aragon, ce qui permet à Alexandre VI de s’octroyer l’amitié du royaume de Naples.

La mort de Rodrigo Borgia : maladie ou assassinat ? 

La mort de Rodrigo (le pape Alexandre VI) est un des nombreux mystères qui planent sur la famille Borgia. Alors qu’il se rend pour dîner avec son fils César à un banquet organisé par un nouveau cardinal, Adriano di Castello, les deux sont pris d’un violent malaise accompagné de vomissements le lendemain matin.

Deux hypothèses peuvent être avancées : soit le Pape a été victime de la malaria, une maladie qui sévissait très fortement dans l’Italie de l’époque, soit quelqu’un a empoisonné le vin de ce dîner. Impossible de trancher la question, mais Johann Burchard, chef du protocole du Saint-siège à l’époque, précise dans son journal que le corps du prélat était tellement gonflé qu’il était impossible de le mettre dans son cercueil. 

La fratrie Borgia, digne héritière des frasques d’Alexandre VI  

Comme je vous l’ai dit précédemment, Alexandre VI a eu 4 enfants reconnus avec Vanozza Cattanei :
– César Borgia
– Giovanni
– Lucrèce
– Geoffroi.

Ces quatre trublions ne sont pas en reste en termes de manigances, trahison, meurtre et intrigues. Laissez-moi, dans la suite de cet article, vous conter leurs histoires. 

César Borgia

César Borgia
Portait de César Borgia

L’aînée de la famille, né en 1475 à Rome a la réputation d’être un homme sanguinaire et d’avoir des moeurs douteuses. D’abord engagé dans la prêtrise sur les ordres de son père, il devient cardinal très jeune, à 17 ans, ce qui ne lui convient guère : il préfère la compagnie des femmes et des armes. Lorsque son frère meurt en 1497, il est autorisé par Alexandre VI à quitter l’Église, pour son plus grand bonheur et reprend la charge de gonfalonier. Marié à Charlotte d’Albret, dame de Châlus il est fait duc de Valentinois par le roi de France Louis XII. Après avoir conquit la Romagne, son père Alexandre VI meurt et César perd tout soutien. Capturé plusieurs fois, il se réfugie chez son beau-frère, Jean III de Navarre, qui l’envoie diriger le siège de Viana et c’est là qu’il trouvera la mort le 12 mars 1507. Si vous voulez en savoir plus sur César, un article entier lui ai dédié ici.

Giovanni, le fils maudit  

Giovanni Borgia
Portait de Giovanni Borgia

Giovanni Borgia (aussi appelé Juan) naît en 1474 à Rome. Deuxième fils de Rodrigo Borgia et Vanozza Cattanei, son père nourrit de très grands projets pour lui. D’abord embauché dans la garde pontificale, il devient le bras armé de son père le Pape, son gonfaloniere. Afin de satisfaire le besoin d’alliance d’Alexandre VI, il épouse la cousine du roi d’Aragon, Maria Henriquez et le couple a un fils, Jean, futur Jean II de Gandie.

Giovanni est comme son père, ambitieux, arrogant et très apprécié des femmes. Ses exploits militaires sont peu nombreux : lors d’un affrontement avec le roi de France Charles VIII, il perd de nombreux soldats et la bataille. 

Sa mort en 1497 est elle aussi un mystère. Il est retrouvé mort dans le Tibre, assassiné de plusieurs coups de couteaux. On accuse d’abord son frère, César, qui serait jaloux de sa position et surtout de son rapprochement avec Sancia, fille du roi d’Aragon et épouse de leur frère Geoffroi ( les trois frères couchaient avec la même femme : voilà bien qui montre la complexité et les moeurs dispendieuses des Borgia ). D’autres hypothèses sont envisagées, Giovanni pouvant se targuer d’avoir de nombreux ennemis. Sa mort ne sera pourtant jamais élucidée et c’est son frère César, qui reprendra sa charge. 

Lucrèce, la femme fatale victime de sa mauvaise réputation 

Lucrèce
Portait de Lucrèce Borgia
©AKG ALBUM

Sur Lucrèce, beaucoup de rumeurs ont circulé, sans qu’on parvienne pourtant à dégager beaucoup de certitudes sur sa vie. Troisième de la fratrie, elle naît le 18 avril 1480 à Subiaco, une ville contiguë à Rome dans le Latium. Contrairement à ses frères, elle n’est pas au courant que son père est le Pape, pensant être uniquement sa nièce. Elle a six ans de moins que la nouvelle compagne de son père Giulia Farnese, et les deux deviennent de grandes amies. 

Lucrèce a longtemps souffert de ce que l’on appelle une légende noire : plusieurs historiens, ainsi que Victor Hugo dans son œuvre éponyme, l’ont dépeinte comme une femme de mauvaise vie, intrigante, sans mœurs et nymphomane, il se pourrait cependant qu’il n’en soit rien.

Unique fille de son père, celui-ci la couvre d’attentions, mais se sert également d’elle à des fins politiques : il la marie trois fois, successivement à Giovanni Sforza en 1493, alors qu’elle n’a que 13 ans, puis à Alphonse d’Aragon en 1498 à 18 ans, et enfin à Alphonse Iᵉʳ d’Este en 1501 à 21 ans. 

De son premier mariage, elle n’enfante pas. Elle a un fils avec son deuxième mari, Alphonse d’Aragon, qu’elle apprécie particulièrement, mais qui est assassiné par l’homme de main de son frère, César Borgia. La rumeur enfle : César serait jaloux, car secrètement amoureux de sa sœur et les deux auraient des relations incestueuses, mais cela n’a jamais été prouvé.

D’autres calomnies ont circulé sur Lucrèce : on l’accuse d’avoir eu un fils avec son propre père, ce qui est faux : elle a bien eu un fils hors mariage, mais avec un homme romain issu du bas-peuple, qu’Alexandre VI reconnaîtra dans une bulle pontificale comme son fils, pour que sa fille ne souffre pas d’une mauvaise réputation.

De son troisième mariage avec Alphonse Iᵉʳ d’Este en 1501, elle aura huit enfants, mais seuls quatre  atteindront l’âge adulte : Hercule, Hippolyte, Éléonore et Francesco. 

Son rôle politique se limite à quelques affaires lors des déplacements de son père Alexandre VI jusqu’à sa mort en 1503. Elle reste ensuite à Ferrare où elle devient protectrice des arts et muse de plusieurs artistes comme Ludovico Ariosto. Sa vie s’achève à 39 ans, d’une septicémie, probablement due à son dernier accouchement. 

Geoffroi, l’héritier oublié 

Geoffroi Borgia
Portait de Geoffroi Borgia

Geoffroi Borgia est souvent celui dont on ne parle pas dans les livres d’histoire. Il est né à Rome en 1481, un an après sa sœur Lucrèce et c’est le dernier de la fratrie. À 12 ans, on le marie à Sancia, la fille d’Alphonse II de Naples, ce qui lui confère le titre de prince de Squillace, agrémenté par le comté d’Alvito en 1497. 

On sait de lui qu’il change de camp lors de la guerre qui oppose les Français aux espagnols entre 1499 et 1504, passant d’allié de Louis XII à défenseur du clan espagnol. Sa femme meurt en 1506 à Naples et il se remarie avec Maria de Mila avec laquelle il aura 4 enfants : Francesco, Lucrezia, Antonia et Maria et il meurt en 1516 ou 1517 sans que l’on sache de quoi. 

Les Borgia dans la culture

Les borgia dans la culture
affiche d’une exposition sur les Borgia
©muséemaillol

Si les Borgia fascinent autant, c’est parce qu’ils sont les fruits de leur époque et qu’ils vivent dans un pays, l’Italie, qui au XVᵉ et XVIᵉ siècle est en plein essor tant sur le plan économique, que politique et culturel. Nombreuses sont les familles italiennes qui essaient de tirer leur épingle du jeu tant sur le plan national que sur le plan international : les Borgia vivent en même temps que les Médicis, les Sforza, les Orsini, et toutes ces familles italiennes qui ont fait couler beaucoup, beaucoup d’encre. Pourtant, ce sont eux, probablement pour leur goût du faste, de l’intrigue et des meurtres qui fascinent le plus la littérature moderne et contemporaine. 

En témoignent les romans “Les Borgia” d’Alexandre Dumas, “Lucrèce Borgia” le drame de Victor Hugo et les huit films, quatre séries et la bande dessinée sur le sujet. Des jeux de sociétés sur les Borgia ont également vu le jour, et on s’interroge même encore sur leurs descendants actuels. 




Ainsi, les Borgia ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’Italie et de l’Europe à la fin du XVe siècle. Leur ascension au pouvoir et leur règne controversé ont été marqués par des intrigues, des alliances politiques et des machinations sournoises. Les Borgia, dirigés par leur chef de famille Rodrigo, devenu le pape Alexandre VI, ont utilisé tous les moyens à leur disposition pour consolider leur position, y compris la corruption et le crime. Malgré leur réputation sulfureuse et leur héritage controversé, les Borgia ont également joué un rôle important dans le mécénat artistique et culturel de la Renaissance italienne. Ils ont soutenu des artistes de renom tels que Michel-Ange et Raphaël, contribuant ainsi à l’épanouissement de l’art et de l’architecture de l’époque. Et si leurs machinations ont finalement conduit à leur perte, la complexité de leurs personnages ne cesse de nous interroger.




Sources :

– https://www.lepoint.fr/histoire/tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-les-borgia-24-09-2014-1866076_1615.php
– https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/les-borgia-6761919
– https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/3712-les-borgia-une-famille-de-la-rennaissance.html
– https://www.nationalgeographic.fr/histoire/culture/italie-lucrece-borgia-diabolique-predatrice-ou-victime
– https://www.herodote.net/Lucrece_Borgia_la_mal_aimee-synthese-1821.php
– https://gw.geneanet.org/macfouillade?lang=fr&n=borgia&oc=0&p=geoffroi+ou+jofre+prince+de+squillace+italie+calabre+1494+comte+d+alvito+1497
– https://www.universalis.fr/encyclopedie/cesar-borgia/
– https://unsouffledhistoires.com/2020/02/21/cesar-borgia-monstre-ou-prince-de-la-renaissance/
– https://www.youtube.com/watch?v=ztiDqij7W00