Rome Eau
Anecdotes

Rome : une histoire d’eau

Auteur invitée : Peggy Valente de Andrade

Roma Caput Mundi d’accord, mais Roma Regina Aquarium le saviez-vous ?

Quiconque vient à Rome est ébloui par le nombre de monuments grandioses, les vestiges antiques dont le Colisée est l’emblème, la beauté des places et des églises, mais également par l’abondance d’eau grâce aux fontaines – petites ou monumentales. L’eau est omniprésente à Rome et sur chaque place vous entendez des clapotis et le bruit de jets d’eau.

Fontaine du Triton

De l’immense Place Navone aux 3 fontaines baroques, aux petites places perdues entre les ruelles comme la Place Mattei où trône la Fontaine des tortues, ou encore le long des rues jonchées par des petites fontaines d’eau potable, en passant bien évidemment par la célébrissime Fontaine de Trévi dont on entend le bruit de l’eau qui jaillit et qui coule avant même de voir son architecture, l’eau est partout !

Le thème de l’eau est très actuel : bien indispensable à économiser et préserver auquel aujourd’hui encore certaines populations n’ont malheureusement toujours pas accès.

L’abondance d’eau à Rome en serait presque choquante. Mais très tôt, les Romains comprirent l’importance de l’eau, indispensable à la vie et à une bonne hygiène de vie. Rome est une ville d’eau et ce depuis l’Antiquité

Crédit photo : Romevideoguide.com

L’eau à Rome : une vieille histoire

Tout a commencé il y a 2300 ans…

L’eau est étroitement liée à l’histoire de Rome, dès l’Antiquité et jusqu’à aujourd’hui. Les Romains ressentirent bien vite la nécessité d’avoir de l’eau à disposition et ne concevaient pas une cité sans eau. S’ils utilisaient l’eau du fleuve qui traverse Rome, le Tibre, sous la monarchie et durant les premiers siècles de la République, la croissance démographique et surtout le développement urbain vont rendre cet accès à l’eau nettement insuffisant. Les Romains vont alors s’intéresser aux sources d’eau et aux lacs volcaniques environnants. Il ne restait qu’à amener cette eau jusqu’à Rome…

Par chance, les Romains étaient des ingénieurs d’exception : ils vont concevoir et construire des aqueducs aux conduits, tantôt souterrains, tantôt aériens, à l’intérieur desquels coulait l’eau en direction de Rome. Ce n’est pas un aqueduc mais bien onze aqueducs au total qui furent construits sur des dizaines de km pour la capitale de l’Empire entre le 4è s. av. J.-C. et le 3è s. ap. J.-C. ! Des milliers de m3 d’eau arrivaient ainsi chaque jour jusqu’à Rome et cela en comptant uniquement sur le phénomène de gravité, en calculant une pente constante, en créant des chambres de décantation, des siphons, des châteaux d’eau, des arcades aériennes pour traverser les vallées. Les aqueducs romains sont les témoins privilégiés de l’ingénierie romaine, du talent de bâtisseurs des Romains et de la grandeur de la Rome antique.

Aqueduc Rome
©Romevideoguide.com

L’abondance d’eau dans la Rome antique était également un symbole de luxe et d’une excellente qualité de vie dans la capitale de l’Empire.

Alors que certaines régions manquaient d’eau ou qu’il fallait puiser l’eau péniblement, à Rome ce bien précieux était utilisé pour boire et cuisiner bien-sûr, mais pas seulement ! L’eau permettait également d’évacuer en continu les excréments des latrines publiques, de déverser les eaux usées vers les égouts, de se laver dans les thermes (les bains publics alimentés par les aqueducs afin que chacun puisse se laver chaque jour dans des salles d’eau chaude, tiède et froide) et même pour… faire joli !!! Et oui, à Rome on pouvait se permettre de « gâcher » l’eau uniquement pour créer de beaux bassins d’eau ornementaux, des fontaines et des nymphées. Sans oublier les naumachies ! Pour se divertir, les Romains déversaient en effet des millions de m3 d’eau dans certains monuments (stade ou amphithéâtre) afin de créer un gigantesque bassin dans lequel devaient s’affronter des bateaux.

Bref, ils se permettaient d’utiliser l’eau pour… s’amuser. L’eau était alors un symbole de luxe, de niveau de vie élevé, de la puissance de Rome et de ses ingénieurs d’exception. Vous voici à Rome, capitale du monde, Caput Mundi et Regina aquarium !

Le Renaissance de l’eau

Après les invasions barbares et la chute de l’empire romain d’occident, Rome à partir du VIè s. est en ruine. Les principaux monuments ont été détruits, une grande partie de la population a été tuée ou s’est enfuie ; peu à peu la capitale de ce qui était autrefois l’Empire romain devient une ville de campagne. Finis les bains publics, les jeux de l’amphithéâtre, les courses de chars dans le Grand Cirque, terminée l’eau qui coulait en continu des 1001 fontaines de la ville.

Les aqueducs ont été tronçonnés à la fois par les barbares (notamment par les Goths) privant ainsi Rome d’eau potable, mais aussi par les Romains eux-mêmes souhaitant empêcher que les ennemis n’utilisent les conduits des aqueducs pour pénétrer la ville ! Sans égouts et sans eau potable, les épidémies se multiplient durant tout le moyen-âge. Il faudra attendre la Renaissance et les grands travaux de reconstruction de la ville organisés par les papes, pour que l’eau coule à nouveau sur les places de Rome et que cette dernière se voit ornée de fontaines.

À partir du XVIè s. divers aqueducs furent restaurés et construits par les souverains pontifes afin de redonner de l’eau aux différents quartiers de la ville. Les papes l’ont compris : la population a besoin d’eau ! Des petites fontaines de quartier sont alors installées et des fontaines monumentales d’eau potable sont commandées aux architectes exaltant ainsi le pouvoir des papes. D’une part, ces derniers donnent l’accès à l’eau aux Romains, d’autre part ils affirment leur pouvoir et leur bienveillance en faisant construire de splendides fontaines attestant qu’ils avaient réapprovisionné en eau tel ou tel quartier. L’eau devient alors un formidable instrument de marketing et de communication !

Quelques exemples particulièrement grandioses ? La fontaine du Janicule construite par le Pape Paul V Borghèse après avoir fait réparer l’aqueduc de l’empereur Trajan pour amener de l’eau dans le quartier de Trastevere ; ou encore la fontaine de Trévi voulue par le pape Clément XII de laquelle jaillit encore aujourd’hui l’eau de l’aqueduc de l’Aqua Virgo construit au 1er s. av. J.-C.

Toutes les majestueuses fontaines baroques de Rome admirées par des millions de touristes chaque année sont donc en réalité la démonstration du pouvoir des différents papes et de leurs travaux d’aménagement de la Ville éternelle. À la Renaissance comme 1500 ans auparavant, l’eau et ses fontaines symbolisent la puissance du pouvoir en place. Il y eut la Rome des empereurs, il y a dorénavant la Rome des papes régnant sur les États pontificaux et s’affirmant face aux puissances européennes…

San pietro Rome
Crédit photo : Romevideoguide.com

XIXè s. : de drôles de nez apparaissent dans les rues de Rome !

Les fontaines les plus caractéristiques de la capitale italienne ne sont pourtant pas forcément celles qu’on croit. Tout le monde connaît bien-sûr la Fontaine de Trévi et y jette une pièce durant tout séjour romain comme le veut la tradition. Mais ce qui surprend le plus les voyageurs de passage dans la Ville éternelle, ce sont toutes ces petites fontaines de fonte présentes dans chaque rue et sur chaque place. Telles des centaines d’oasis disséminés sur votre chemin, ces blocs de 100 kg de fonte chacun sont apparus au XIXè s et continuent de rafraîchir les étés romains.

nasone eau Rome

C’est en 1847 que la mairie de Rome décida d’installer ces fontaines dans toute l’agglomération afin que la population puisse se désaltérer avec de l’eau potable et fraîche. La chaleur estivale est écrasante à Rome, alors ces fontaines gratuites sont une véritable bénédiction. « Nasoni » voici le nom donné à ces fontaines romaines. La raison en est fort simple : le robinet est long et recourbé tel un « long nez ».

Environ 2500 nasoni jonchent Rome dont 280 dans le centre historique. Aucun doute, vous en trouverez forcément sur votre chemin. Quelle autre destination permet aux touristes comme à la population de boire de l’eau potable et bien fraîche gratuitement ?! L’été, tout le monde est ravi de pouvoir y remplir ses gourdes, y boire et s’y asperger pour se rafraîchir. Habitants et commerçants y installent d’ailleurs bien souvent un sceau pour le remplir avec « l’acqua del sindaco » c’est-à-dire « l’eau du maire ».

Crédit photo : Romevideoguide.com

Ne vous étonnez donc pas de trouver des bacs, bassines et autres sceaux sous ces fontaines. Petite astuce : le robinet des nasoni est doté d’un petit trou sur la partie supérieure, de sorte qu’en bouchant l’arrivée d’eau du robinet avec vos doigts, un jet se produit par le trou pour boire de manière hygiénique et pratique. Pratique…si vous en avez l’habitude, autrement vous vous éclabousserez vous et les passants alentour !

Nasone Rome
©Romevideoguide.com

Dans les 1920-1930, quelques dizaines de petites fontaines semblables aux nasoni mais faites en travertin furent installées dans le centre de Rome. Le robinet n’y a plus la forme d’un nez mais d’une tête de louve, symbole de Rome en référence à la louve allaitant Romulus et Rémus.

Depuis quelques années, des distributeurs d’eau ont même été installés dans la capitale italienne et proposent de l’eau plate et gazeuse gratuitement. À Rome donc, pas besoin d’acheter des dizaines de bouteilles d’eau en plastique, il vous suffit de remplir vos gourdes ou votre bouteille régulièrement pendant votre journée.

Chacun peut boire à sa soif et s’hydrater avec de l’eau fraîche, ce qui est particulièrement appréciable pendant les chaudes journées d’été. Aujourd’hui plus que jamais, ces fontaines représentent un outil remarquable pour lutter contre la surconsommation de plastique et préserver l’eau en utilisant celle déjà à disposition. Un geste pour l’environnement

Vous l’avez compris, l’histoire de l’eau à Rome est déterminante, complexe, passionnante, surprenante et…écologique !

Notre Autrice invitée : Peggy

L’art et l’Histoire me passionnent et sont pour moi de formidables outils pour comprendre une société, une œuvre, une époque et notre présent.

Je m’appelle Peggy Valente de Andrade, diplômée en histoire de l’art à l’Université de La Sorbonne et titulaire du titre de Guide officielle de Rome depuis plus de 10 ans. Rome est considérée – et non à tort – comme le berceau de notre civilisation et se promener dans ses ruelles et sur ses magnifiques places équivaut à faire des sauts dans le temps. Entre les vestiges antiques monumentaux, les splendides fontaines baroques, la beauté de ses églises, la richesse des collections de ses musées, la Ville éternelle ne peut que vous émerveiller ! L’histoire plurimillénaire de Rome est dense, alors c’est un véritable plaisir pour moi de vous accompagner à la découverte de la ville et de ses monuments à travers des petites histoires qui en ont fait la grande Histoire, d’anecdotes et d’explications simples et donc…passionnantes !

Je propose d’ailleurs depuis quelques temps mes visites de Rome également sous forme de vidéo-guides sur mon site www.romevideoguide.com. Faciles d’utilisation ils s’adressent à tous, pour découvrir la Ville éternelle avec un budget mini ☺ À bientôt !